Airbnb expérimente un nouveau service de réapprovisionnement de cuisine en partenariat avec Instacart, à partir du 5 janvier 2026, à Phoenix, Orlando et Los Angeles. Les voyageurs pourront commander leurs courses directement via l’application Airbnb jusqu’à trois semaines avant leur arrivée. Les hôtes qui participent recevront la livraison Instacart, déballeront les sacs, organiseront la cuisine et toucheront un paiement de 25 $ US par commande réalisée, plus une prime unique de 100 $.
La fonctionnalité est simple en soi. Mais une fois qu’on regarde de près son fonctionnement, la répartition du travail et son rôle dans la stratégie globale d’Airbnb, on comprend que ce test va bien au-delà de simples courses alimentaires.
Ce test offre un aperçu de la prochaine phase d’Airbnb : approfondir son rôle de plateforme lifestyle de voyage.
Pourquoi le réapprovisionnement de cuisine a du sens du point de vue du comportement des voyageurs
Les voyageurs séjournant dans des Airbnb commandent déjà souvent des courses dès leur arrivée, voire sur la route depuis l’aéroport. L’utilisation de la cuisine fait partie de la proposition de valeur d’Airbnb depuis ses débuts, et « cuisine » était l’un des filtres les plus utilisés lorsque les équipements principaux étaient mis en avant.
Les voyageurs s’attendent à pouvoir s’installer rapidement, préparer quelques repas et considérer le logement comme chez eux. La livraison de courses fait déjà partie intégrante du séjour en Airbnb.
Airbnb ne fait ici qu’intégrer un comportement déjà courant, mais qui se passait hors de son écosystème. L’intégration avec Instacart :
- maintient la commande à l’intérieur de l’application Airbnb,
- ajoute de la commodité pour le voyageur,
- permet aux hôtes de générer un revenu supplémentaire,
- donne à Airbnb de la visibilité sur ce que les voyageurs achètent et comment ils utilisent le logement.
On ne sait pas si Airbnb génère des revenus avec cette intégration, mais la valeur des données est évidente.
Un vrai service utile, mais différent des « Services » Airbnb
Airbnb Services—dîners préparés par un chef, sessions bien-être, cours à la demande—sont réservés et délivrés indépendamment de l’hôte. Souvent, les hôtes ne savent même pas qu’un service a eu lieu. Ces services visent aussi des tarifs plus élevés et attirent fortement les résidents locaux, pas uniquement les voyageurs.
Le réapprovisionnement de cuisine est différent sur trois points essentiels :
- L’hôte est nécessaire à la réalisation.
Il doit recevoir la commande, la déballer et organiser la cuisine. Cela ajoute du travail et de la coordination opérationnelle. - Cela se passe dans le logement.
Les services peuvent être des expériences externes ; le réapprovisionnement de cuisine s’apparente plutôt à une tâche de changement. - Cela introduit de vraies contraintes réglementaires.
Airbnb renvoie directement aux règles de sécurité alimentaire de l’USDA. Cela implique des règles quant aux délais de réfrigération, à la prévention de la contamination croisée, à la désinfection des surfaces, et à la manipulation des produits frais et bruts.
Il s’agit d’une activité d’un tout autre ordre, avec des contraintes logistiques absentes des Experiences ou Services.
Où ce service prend tout son sens : le futur marché des services pour hôtes d’Airbnb
Le réapprovisionnement de cuisine ne ressemble pas à l’offre « Services » d’Airbnb côté voyageurs, mais il ressemble fortement à ce qu’Airbnb construit discrètement depuis des années : un marché de services pour hôtes.
Ce marché à venir (non encore lancé, mais de plus en plus visible dans l’évolution produit d’Airbnb) vise à connecter les hôtes avec des outils et services tiers pouvant :
- faciliter l’exploitation,
- améliorer la qualité des logements,
- apporter de nouveaux revenus,
- ou permettre aux hôtes de proposer des options additionnelles à leurs voyageurs.
Le réapprovisionnement de cuisine s’intègre à ce modèle car il :
- a une nature opérationnelle,
- nécessite l’implication de l’hôte ou d’un co-hôte,
- s’apparente au ménage ou au changement de locataire,
- et introduit une nouvelle tâche rémunérée que l’hôte peut accepter ou refuser.
Airbnb teste ainsi une version restreinte et contrôlée de rémunération à la tâche pour les hôtes, bien plus proche d’un marché de services que des Experiences ou Services.
Ce test permet à Airbnb de savoir :
- combien d’hôtes sont prêts à faire de petites tâches payées,
- à quelle fréquence les voyageurs souhaitent des services avant leur arrivée,
- quels sont les points de friction opérationnelle,
- si le réapprovisionnement peut passer par des co-hôtes,
- et comment la rémunération par tâche influe sur l’adoption.
C’est un petit test, mais il reflète parfaitement le type de services d’accompagnement aux hôtes qu’Airbnb vendrait demain sur un marché centralisé.
Responsabilités de l’hôte : là où la commodité s’arrête et où la conformité commence vraiment
Quand on examine concrètement chaque étape, le pilote paraît bien plus complexe côté hôte.
Les hôtes sont explicitement invités à suivre les règles de sécurité alimentaire de l’USDA lors du déballage et du rangement des produits. Ces directives comprennent :
- la réfrigération des produits frais dans des temps impartis stricts,
- la séparation des viandes crues des aliments prêts à consommer,
- la désinfection des surfaces après manipulation de la volaille,
- le respect de pratiques sûres pour la décongélation et le stockage,
- et l’évitement de la contamination croisée.
Ce n’est pas un simple travail de « mettre le lait au frigo ». Il engage l’hôte sur les questions de sécurité alimentaire, avec tout ce que cela implique.
Les réclamations des voyageurs concernant la commande sont dirigées vers Instacart via l’application Airbnb. Airbnb ne prend aucune responsabilité pour les erreurs, produits avariés ou problèmes de livraison. Pourtant, c’est bien l’hôte qui gère physiquement la nourriture.
Cela crée un triangle de responsabilités assez particulier :
- Instacart gère la livraison.
- Les hôtes s’occupent du stockage et de la conformité.
- Airbnb détient l’interface, mais pas le risque.
Une répartition assez confortable pour Airbnb, moins pour les hôtes.
Ce qui se complique : l’enjeu opérationnel réel pour les PMCs
Pour un hôte individuel, le réapprovisionnement peut paraître simple. Pour un gestionnaire professionnel avec 20, 50 ou 200+ annonces, cela ajoute de vrais points de friction.
Voici pourquoi :
Les créneaux de livraison ne coïncideront probablement pas avec les plannings de ménage
La plupart des PMCs fonctionnent avec des fenêtres de changement très strictes. Les livraisons Instacart ne respecteront pas forcément ce rythme.
Les produits frais ont des exigences strictes de stockage
Les aliments doivent souvent être réfrigérés dans l’heure ou les deux heures. Cela impose des déplacements supplémentaires ou de laisser du personnel attendre sur place.
Les tâches ne peuvent pas être groupées pour l’instant
Instacart considère chaque livraison comme une mission distincte. Un PMC gérant plusieurs logements dans le même immeuble peut recevoir cinq créneaux différents.
Le travail sort du cadre des procédures habituelles
Les PMCs ne forment généralement pas le personnel à la sécurité alimentaire ou à la prévention de la contamination croisée.
Pas encore d’API ni d’intégration avec les outils d’exploitation
Les logiciels de gestion du changement n’intègrent pas de workflow pour le rangement des courses, la conformité sanitaire ou l’envoi de messages aux voyageurs à la fin de la tâche.
Pour beaucoup de PMCs, les 25 $ par commande ne couvriront pas le coût du travail supplémentaire pour réorganiser les équipes autour de créneaux de livraison imprévisibles, surtout lors des jours de turnover intense.
Pourquoi Airbnb fait cela : données, engagement et contrôle de l’écosystème
Même si les détails sur les revenus restent inconnus, les avantages stratégiques sont clairs.
1. Données propriétaires sur les préférences des voyageurs
Cela inclut :
- habitudes alimentaires,
- comportement culinaire,
- composition du foyer,
- répartition des dépenses,
- marques préférées.
Ces données permettent :
- des recommandations personnalisées,
- des offres ciblées,
- des offres dynamiques,
- et de futurs partenariats.
2. Engagement accru dans l’application
Commander ses courses sur Airbnb garde le voyageur connecté à l’app durant la période précédant son arrivée—une étape qu’Airbnb souhaite renforcer depuis longtemps.
3. Un modèle possible pour de futurs services opérationnels additionnels
Si le réapprovisionnement de cuisine fonctionne, Airbnb pourrait élargir les tâches rémunérées pour hôtes :
- installation d’équipements,
- services additionnels,
- requêtes spécifiques avant l’arrivée,
- paniers de bienvenue,
- et plus encore.
Cela représente une valeur cumulée qui s’ajoute à la réservation.
Un petit pilote révélateur de la direction prise par Airbnb
Le test de réapprovisionnement de cuisine reste modeste : trois villes, trois mois, une sélection d’hôtes invités. Mais ses implications sont majeures.
Il nous indique qu’Airbnb :
- expérimente les tâches réalisées par les hôtes,
- s’intègre à des habitudes voyageurs jusqu’ici hors de la plateforme,
- recueille des données comportementales enrichies,
- renforce l’engagement dans l’application,
- et avance progressivement vers le très attendu marché des services pour hôtes.
Et il fait émerger des questions cruciales pour les hôtes et PMCs autour de la charge opérationnelle, des responsabilités et de la rémunération, auxquelles Airbnb devra répondre si ces fonctionnalités sont étendues à l’avenir.
Pour l’instant, le réapprovisionnement de cuisine est facultatif. Mais ce ne sera pas la dernière fois qu’Airbnb proposera de nouveaux services impliquant l’hôte, pour élargir son emprise au-delà du simple hébergement et approfondir l’expérience voyageur, la personnalisation et l’écosystème opérationnel.
Uvika Wahi est rédactrice chez RSU by PriceLabs, où elle dirige la couverture de l’actualité et l’analyse destinées aux gestionnaires professionnels de locations saisonnières. Elle écrit sur Airbnb, Booking.com, Vrbo, la réglementation et les tendances du secteur, aidant les gestionnaires à prendre des décisions éclairées. Uvika intervient également lors d’événements internationaux majeurs tels que SCALE, VITUR et le Direct Booking Success Summit.




