La fermeture inattendue de FrontDesk : la disparition d’un survivant de la pandémie

Frontdesk, autrefois une société prometteuse de gestion de locations de courte durée avec 1 000 unités réparties sur 30 marchés, a fermé ses portes le 2 janvier 2024. Elle avait acquis stratégiquement des unités issues d’entreprises similaires comme Stay Alfred, Lyric et Domio. Avec 26 millions de dollars de financement en capital-risque et des distinctions du secteur, FrontDesk semblait promise au succès, mais a fait face à des risques inhérents à son modèle commercial. Parmi ces risques : des coûts de location accrus et une baisse des rendements locatifs. Les conditions de marché difficiles en 2023, marquées par la hausse des taux d’intérêt pesant sur le service de la dette et la réduction du financement par capital-risque, ont également contribué à sa chute. Cela soulève des questions sur la viabilité du modèle d’arbitrage à grande échelle dans le secteur de la location de courte durée, ainsi que sur le débat persistant autour de sa valorisation en tant qu’entreprise technologique ou immobilière.

Qui était FrontDesk ?

Frontdesk, une entreprise fondée en 2017, est rapidement devenue un nom majeur dans la gestion de biens locatifs de courte durée. Elle proposait une large sélection d’appartements meublés à travers les États-Unis. La société avait également développé sa propre pile technologique et était donc parfois classée (et valorisée par les investisseurs) comme une société PropTech.

Malgré une croissance rapide et la gestion de plus de 1 000 unités, Frontdesk a fait face à des défis financiers et a dû fermer. Le PDG Jesse DePinto a annoncé la fermeture et les licenciements, mettant en avant les réalisations de l’entreprise comme une croissance de chiffre d’affaires significative, l’accueil de 700 000 clients et l’expansion dans plus de 30 marchés. Toutefois, ils n’ont pas pu surmonter les difficultés de financement, mettant fin à leur aventure dans le secteur.

La fermeture inattendue de FrontDesk : une entreprise autrefois considérée comme survivante de la pandémie

Un survivant de la pandémie ayant ramassé les morceaux de Stay Alfred, Lyric, Domio et WanderJaunt

FrontDesk, autrefois perçue comme un survivant avisé de la pandémie de COVID, était censée tirer d’importants bénéfices des déboires d’entreprises similaires. Pendant la pandémie et jusqu’en 2022 et 2023, elle a acquis stratégiquement des unités, incluant des baux d’immeubles et des appartements, issus d’entreprises en difficulté. En 2020, FrontDesk a repris 77 unités réparties dans trois villes auprès de Stay Alfred, Lyric et Domio alors que ces sociétés faisaient faillite ou étaient en pleine restructuration. L’entreprise a poursuivi cette stratégie en 2022 en acquérant 33 unités de WanderJaunt, une autre aventure malheureuse. La frénésie d’acquisitions ne s’est pas arrêtée là. En 2023, ZenCity a été sa nouvelle prise. Cette opération a marqué le coup d’envoi d’une série d’acquisitions planifiées par FrontDesk, étendant son portefeuille de locations de courte durée de plus de 200 appartements sur trois marchés.

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Des fonds de capital-risque de JetBlue Ventures

FrontDesk était parvenue à lever la somme impressionnante de 26 millions de dollars auprès de capital-risqueurs. Parmi ses investisseurs figuraient des noms réputés comme JetBlue Ventures, Veritas Investments et Sand Hill Angels.

Skift, Phocuswire et PropTech Breakthrough ont récompensé FrontDesk en 2022 et 2023

Les stratégies innovantes et la résilience de FrontDesk ont été reconnues par plusieurs distinctions en 2022 et 2023. En juin 2023, elle figurait dans le Skift Short-Term Rental 250 : Mapping the Rental Vendor EcoSystem parmi les 250 meilleures entreprises du secteur de la location de courte durée et parmi le Top 10 des gestionnaires de locations urbaines. L’année précédente, elle avait été élue « Plateforme de location courte durée de l’année » par PropTech Breakthrough. De plus, elle a été sélectionnée comme Phocuswire Hot 25 Startup pour 2022.

Des destins similaires dans le secteur

FrontDesk rejoint la liste d’entreprises telles que StayAlfred, Domio, Lyric, Zeus Living, The Guild et Wanderjaunt.
Stay Alfred avait franchi la barre des 2 500 appartements dans plus de 33 marchés américains. Elle a annoncé sa fermeture définitive le 21 mai 2020. Cette fermeture était la conséquence du confinement mondial provoqué par la pandémie de coronavirus, qui a gravement impacté l’activité. Malgré des tentatives pour obtenir un financement supplémentaire allant jusqu’à 30 millions de dollars dès mars 2020 et des mesures de réduction d’activité, le manque d’intérêt des investisseurs et les effets néfastes de la pandémie ont provoqué la chute de l’entreprise. Stay Alfred avait levé environ 60 millions de dollars, avec le dernier tour en octobre 2018.

Risques du modèle économique

Des entreprises comme FrontDesk ou Zeus Living (qui a cessé ses activités en 2023) opéraient dans le secteur de la location de courte durée, en se concentrant sur la location de biens, leur ameublement, puis leur sous-location. Ce modèle nécessite d’importants capitaux pour la location et l’ameublement, et dépend de la constance des revenus locatifs.

Principaux risques :

  • Augmentation des coûts de location : Des sociétés comme Zeus Living louaient des biens pour les meubler et les louer à leur tour. Lorsque les taux d’intérêt augmentaient, le coût global de l’immobilier montait, entraînant des dépenses de location plus élevées. Cette hausse impactait directement leurs coûts opérationnels, car elles devaient payer davantage pour louer les biens ensuite sous-loués.
  • Baisse des rendements locatifs : Un ralentissement du marché immobilier mène souvent à une demande plus faible, donc à des loyers plus bas. Pour ces entreprises, cela signifiait une diminution des revenus générés via la location d’appartements meublés. Le modèle économique reposant sur la différence entre les loyers versés et perçus, toute baisse du revenu locatif pouvait impacter significativement leur chiffre d’affaires.
  • Défis liés à une expansion rapide : Une croissance agressive nécessite d’importantes ressources et peut mettre à rude épreuve les capacités opérationnelles. Pour ces sociétés, faire croître rapidement le portefeuille signifiait gérer plus de sites et des coûts accrus, pouvant engendrer des inefficacités et des tensions financières, particulièrement si la croissance dépassait celle des recettes.
  • Dépendance à l’investissement : S’appuyer massivement sur un financement continu des investisseurs reste risqué. Si le sentiment du marché change, entraînant une baisse du capital-risque, des entreprises comme FrontDesk, dépendantes de ces fonds pour leur expansion et leurs opérations, peuvent rencontrer de graves difficultés financières.
  • Contraintes opérationnelles complexes : La gestion d’un important portefeuille de locations dans de multiples lieux implique une logistique complexe. Cette complexité accentue les défis opérationnels, nécessitant des systèmes et processus solides pour garantir une gestion efficace, ce qui peut représenter une charge importante, surtout pour une start-up.
  • Infrastructure financière : Un investissement insuffisant dans des systèmes de gestion financière peut conduire à des problèmes dans la gestion de la trésorerie, des dettes et des créances. Pour des start-ups immobilières, où les transactions sont fréquentes et de forte valeur, une infrastructure financière robuste est cruciale pour maintenir une santé financière.

Les conditions du marché en 2023 n’ont rien arrangé :

  • Taux d’intérêt et ralentissement immobilier : Les coûts d’emprunt accrus et un marché immobilier en berne ont fortement affecté ces sociétés, notamment FrontDesk, qui avait accumulé une dette considérable. La hausse des taux d’intérêt renchérissait le coût du service de cette dette, fatiguant encore davantage leurs ressources financières. Combiné à la dépendance aux locations immobilières et aux revenus locatifs, le contexte de marché s’est avéré particulièrement difficile.
  • Diminution du capital-risque : Le désintérêt des investisseurs pour le secteur proptech a compliqué l’obtention de financements indispensables aux opérations et à la croissance de ces sociétés.
  • Incertitudes relatives au travail à distance : La demande de locations courte durée adaptées au télétravail n’est peut-être pas restée aussi forte qu’espéré après le pic initial durant la pandémie, influant sur les attentes du marché et la demande locative.

Viabilité du modèle d’arbitrage à grande échelle

La chute de sociétés telles que FrontDesk, Zeus Living et d’autres pose une question clé sur la viabilité du modèle d’arbitrage immobilier à grande échelle. Ce modèle, basé sur la location de biens immobiliers pour les sous-louer à un tarif supérieur, a montré à la fois des promesses et des failles. Les échecs récents suggèrent que ce modèle peut être rentable dans des conditions de marché précises, mais peut aussi peiner en cas de difficultés économiques, de concurrence accrue et de changement de la dynamique de marché. La pérennité de ce modèle à grande échelle reste incertaine et son avenir dépendra sans doute de la capacité des entreprises à innover, s’adapter et mieux gérer les risques dans un environnement économique évolutif.

Tech, location courte durée ou immobilier ? Le dilemme de la valorisation

La classification et la valorisation d’entreprises comme FrontDesk dans le secteur technologique font l’objet d’un important débat. FrontDesk, comme d’autres dans le secteur de la location courte durée, a développé ses propres outils technologiques propriétaires, ce qui conduit certains à la classer parmi les entreprises technologiques. Cette classification implique généralement une valorisation supérieure, souvent observée dans la tech grâce à l’effet d’échelle et au potentiel d’innovation. Cependant, leur cœur d’activité – louer et meubler des biens pour des locations courte durée – s’apparente traditionnellement davantage à l’immobilier, qui bénéficie habituellement de multiples de valorisation inférieurs. Cette dichotomie soulève des questions sur la façon la plus appropriée et équitable d’évaluer de telles sociétés hybrides, en équilibrant innovations technologiques et fondamentaux immobiliers. Le débat demeure alors que les investisseurs et analystes cherchent à concilier ces dimensions dans un marché en pleine évolution.