Les gestionnaires de locations de courte durée prennent des mesures pour économiser sur les coûts énergétiques et ainsi contribuer aux enjeux environnementaux. De manière surprenante, ce sont les propriétaires confrontés à des factures d’énergie exorbitantes (et non les voyageurs) qui semblent en être le principal moteur actuellement. C’est la principale conclusion du panel sur le voyage durable lors du Scale Rentals France en novembre 2022.
Les intervenants étaient :
- Vanessa Souza de Lage, Sustonica,
- Sébastien Grosjean, Smily,
- Sophie Desnoulez, Location Lac Annecy.
Le panel étant français, avec un public français, le ton était sceptique envers les grandes déclarations sur le changement du monde (les Français ont tendance à tout critiquer de toute façon – je le sais, j’ai grandi en France).
Cependant, les intervenants sur scène ont présenté des exemples concrets de la manière dont le changement s’opère, comment les attentes des propriétaires ont soudainement évolué et ce que les sociétés de gestion de locations saisonnières font concrètement pour économiser l’énergie et sensibiliser le personnel, les femmes de ménage, les équipes de maintenance externes, les propriétaires et les voyageurs à cette problématique.
Voici mes enseignements du panel. Ils sont issus d’exemples du marché français, qui est le plus grand d’Europe et le deuxième mondial pour Airbnb. Pourtant, ces observations peuvent s’appliquer à d’autres pays, car les enjeux pour les propriétaires et gestionnaires existent partout dans le monde.
Les plaintes des propriétaires concernant les factures d’énergie élevées sont le moteur du changement, tandis que les gestionnaires de locations saisonnières doutent que les voyageurs modifient réellement leurs comportements énergivores en vacances
Les professionnels de la location de courte durée pensent-ils que les voyageurs se soucient du voyage éco-responsable ? Certains oui. Mais croient-ils que les voyageurs, une fois installés dans une location, modifient réellement leur comportement pour être compatibles avec leurs convictions environnementales ? Pas vraiment. En réalité, il semblerait que les clients accordent moins d’importance à la consommation d’énergie qu’à leur domicile : ils prennent de longues douches chaudes, oublient de fermer les fenêtres avec la clim allumée ou chauffent les chalets au maximum, même en leur absence la journée.
Cependant, les gestionnaires de locations saisonnières font face aux préoccupations et aux exigences des propriétaires dont les factures d’énergie explosent. De la hausse des coûts, aux voyageurs qui rechargent leur voiture électrique dans la location, les sources de surcoûts se multiplient.
Face à ces factures élevées, de nombreux propriétaires se tournent vers les gestionnaires avec la demande de trouver des solutions pour maîtriser le comportement des clients. Néanmoins, il y a des limites à ce qu’il est possible de faire si un bien est mal isolé ou si le voyageur vient d’un pays où l’énergie n’est pas chère, par exemple.
Quels défis les coûts élevés de l’énergie créent-ils pour les gestionnaires de locations de courte durée ?
Malgré une intervention drastique de l’État français sur les prix, les propriétaires sont mécontents
Depuis fin 2021, comme dans le reste de l’Europe, la France a subi une forte hausse des prix de l’électricité.
Cependant, spécificité française oblige, le gouvernement est intervenu pour protéger les consommateurs contre des hausses excessives. Un plafond légal de hausse de +4% a été instauré pour l’ensemble de l’année 2022. Pour 2023, ce cap devrait continuer avec une augmentation maximale de +15%. Mais ce que le consommateur d’énergie ne paie pas est pris en charge par le contribuable français.
Néanmoins, les propriétaires de locations saisonnières font remonter leurs inquiétudes aux gestionnaires. Voici quelques questions entendues lors du panel Scale Rentals :
- Comment sensibiliser les voyageurs à l’efficacité énergétique ?
- Les voyageurs doivent-ils payer leur propre consommation d’énergie ?
- Quels conseils peuvent être prodigués aux propriétaires pour les aider à économiser, depuis le remplacement d’un vieux réfrigérateur à la baisse de température d’un jacuzzi inutilisé ?
Jusqu’à 17 % des locations saisonnières pourraient disparaître en 2023 en raison des nouvelles réglementations sur le bâti et l’environnement
En France, le nombre de logements disponibles à la location saisonnière risque de baisser à cause de nouvelles réglementations. Initialement pensées pour le parc résidentiel, le gouvernement souhaite également interdire les logements les moins performants énergétiquement sur les plateformes telles qu’Airbnb.
Comme l’explique le Financial Times, au cœur du débat se trouvent ce qu’on appelle les passoires thermiques, terme pour désigner les logements classés dans les deux pires catégories du Diagnostic de Performance Énergétique, soit “F” et “G”. Selon le Ministère de la Transition Écologique, ces passoires thermiques représentaient en 2018 près de 17 % du parc immobilier français.
Dès 2023, les propriétaires de logements classés “G” auront interdiction de louer à de nouveaux locataires. Cette restriction s’appliquera aux logements classés “F” en 2028, puis aux “E” en 2034. Cette mesure sera étendue au reste des logements classés « G » en 2025, puis « F » en 2028 et « E » en 2034.
En octobre 2022, le ministre du Logement a déclaré qu’il ne souhaitait pas voir les passoires thermiques recasées sur le marché de la location saisonnière. Il souhaite que l’isolation soit traitée à la source. Il a donc annoncé vouloir interdire la location de ces logements sur les plateformes telles qu’Airbnb dès 2023.
Les réglementations applicables aux hôtels pourraient être étendues aux locations saisonnières
La France veut devenir la première destination mondiale du voyage durable. Les hôtels doivent déjà se conformer à des réglementations de plus en plus strictes qui pourraient bientôt s’appliquer aussi aux locations saisonnières.
Par exemple, les hôtels ont l’obligation de former leurs employés pour réduire l’impact environnemental de leur activité. Les membres du panel pensent qu’une telle exigence devrait être appliquée un jour aux entreprises de gestion de locations saisonnières.
Dès 2026, tous les hôtels devront afficher une étiquette environnementale dans leur communication. Beaucoup ont déjà reçu leur certificat ou travaillent à améliorer leur notation. L’objectif est de fournir une information chiffrée sur l’impact environnemental de l’établissement. Concrètement, une note de A à E (A étant la meilleure) est attribuée selon 4 critères :
- Impact sur le climat ;
- Consommation d’eau ;
- Consommation de ressources non renouvelables ;
- Part de produits bio ou écolabellisés parmi les fournitures de l’hôtel.
Nombreux gestionnaires et propriétaires doutent que les voyageurs changent réellement leurs habitudes
Les voyageurs affirment se soucier du voyage durable
Les grandes plateformes de voyage ont lancé des initiatives dédiées, comme le programme « Travel Sustainable » de Booking.com. Plus de 400 000 hébergements à travers le monde sont désormais distingués pour leurs efforts grâce à des labels sur la plateforme. Une grande majorité des gestionnaires présents au panel ont manifesté leur intérêt pour ce label Booking.com.
L’une des principales raisons est l’affirmation de Booking.com selon laquelle les voyageurs accordent de l’importance aux options durables. Selon l’étude de la société, 81 % des voyageurs considèrent ce sujet comme important pour eux.
Les voyageurs veulent-ils une option miracle où tous les efforts de durabilité sont faits par les hôtes sans avoir à changer leurs habitudes gaspillantes ?
Si les consommateurs affirment qu’ils y sont sensibles et choisiraient plutôt un hébergement responsable, se pose la question du comportement réel des clients :
- Comportement en tant que consommateur : Les participants n’étaient pas convaincus que les voyageurs paieraient plus cher pour une location durable. Cela peut faire pencher la balance lors du choix entre deux offres comparables, pour une certaine partie de la clientèle.
- Comportement dans le logement : Beaucoup de propriétaires et gestionnaires observent que les vacanciers sont parfois moins soigneux. C’est humain, disent-ils : la plupart des gens font moins attention à prendre des douches courtes, à trier leurs déchets ou à fermer les fenêtres avant d’allumer la climatisation.
- Différences selon la nationalité : La sensibilisation varie selon le pays d’origine. Par exemple, les voyageurs venant du Moyen-Orient, peu confrontés à des prix élevés de l’énergie, sont moins attentifs aux économies ou au tri.
De l’ajout de logements économes à la facturation de la consommation, les gestionnaires agissent
Les intervenants étaient d’accord pour dire que l’on ne peut pas compter sur le bon comportement des voyageurs à 100 %. Voilà pourquoi ils ont partagé leurs solutions pour anticiper les problèmes.
Ajouter des logements économes dans leur portefeuille
Certains gestionnaires s’intéressent à l’ajout volontaire de biens économes en énergie à leur offre. Ils y voient un moyen de :
- Limiter la perte de logements si les logements mal isolés sont effectivement interdits de location saisonnière
- Augmenter leurs réservations en valorisant ce type de biens pour attirer une clientèle soucieuse du sujet et obtenir les labels sur Booking.com
Sébastien Grosjean est le PDG de la solution logicielle STR Smily. Il a partagé son expérience : depuis 10 ans, il construit avec sa famille des maisons passives en Grèce et en France. Selon lui, après quelques essais et erreurs, le résultat est probant. Dans les Alpes, ses chalets ont au moins du triple vitrage. Ses villas grecques, à demi-enterrées, s’intègrent mieux au paysage et sont plus faciles à rafraîchir en été.
Attirer de nouveaux propriétaires en prouvant que l’entreprise cherche à maîtriser les coûts d’énergie et à sensibiliser les voyageurs
- Sophie Desnoulez de Location Lac Annecy LLA Selections explique qu’elle attire des propriétaires en présentant ses actions sur l’environnement. Ce n’est peut-être pas un élément décisif, mais c’est un attendu pour une société haut-de-gamme comme la sienne, qui propose aussi des services de conciergerie. C’est de rigueur.
- Sophie met aussi en avant comment elle aide ses propriétaires à réduire leur facture d’énergie. Par exemple, beaucoup de chalets ont un jacuzzi, souvent maintenu à température maximale toute l’année. Grâce à l’automatisation, elle enseigne comment baisser la température entre les locations pour faire des économies simplement.
Former les agents d’entretien et le personnel
- Sophie Desnoulez explique aussi comment elle veille à ce que les agents d’entretien et la maintenance ne quittent pas les lieux en laissant les lumières allumées, par exemple. C’est la culture d’entreprise qu’elle veut insuffler à toute personne entrant dans ses logements.
- Elle veille aussi à ce que le personnel donne des rappels sympathiques aux voyageurs concernant les gestes éco-responsables. Sur place, elle utilise des autocollants amusants sur les poubelles pour rappeler les bons gestes.
Montrer les statistiques de consommation énergétique aux hôtes
- Un moyen efficace pour inciter les voyageurs à limiter leur consommation est de leur en faire prendre conscience. Vanessa Souza de Lage, via Sustonica, équipe certaines locations de tablettes affichant la quantité d’électricité, de gaz et/ou d’eau utilisée.
- Selon elle, des technologies similaires dans les hôtels font baisser la consommation de 24%.
Les faire payer :
- Autre levier pour responsabiliser les clients et permettre aux propriétaires de récupérer les surcoûts : faire payer la consommation réelle d’énergie aux voyageurs.
- Certains gestionnaires le font déjà : une quantité d’électricité est incluse, et si le client dépasse, il doit payer un supplément.
- Souvent, cela suppose qu’un membre du personnel ou le propriétaire vienne relever le compteur à la fin du séjour.
- Vanessa, de Sustonica, précise que sa technologie permet de facturer automatiquement les clients pour leur consommation réelle.
- Par ailleurs, sur le site du gestionnaire européen BelAviilla, l’électricité est déjà utilisée comme argument marketing : par exemple, capture d’écran à l’appui, « prix de l’électricité inclus ».
Thibault Masson est un expert reconnu en gestion des revenus et en stratégies de tarification dynamique dans le secteur de la location saisonnière. En tant que responsable du marketing produit chez PriceLabs et fondateur de Rental Scale-Up, Thibault aide les hôtes et les gestionnaires immobiliers grâce à des analyses concrètes et des solutions basées sur les données. Fort de plus de dix ans d’expérience dans la gestion de villas de luxe à Bali et à Saint-Barthélemy, il est un conférencier recherché et un créateur de contenu prolifique, capable de rendre simples des sujets complexes pour un public international.








