Nous avons déjà évoqué le fait que la location de courte durée devient de plus en plus professionnelle. Les sociétés de gestion de propriétés Airbnb se développent, et de plus en plus de locations de courte durée sont exploitées par des agences de gestion plutôt que par des propriétaires individuels. Mais à quoi ressemble cette tendance à l’échelle d’une ville ? Et comment réagissent les autorités locales ?
L’Hôtel de Ville de Londres essaie aujourd’hui d’utiliser l’analyse de données Airbnb pour démontrer que les hôtes deviennent plus professionnels et que de nombreux « hôtes » sont en réalité des propriétaires ou gestionnaires de plusieurs biens. Londres a une loi stipulant que les propriétés ne peuvent être louées que 90 jours par an, alors la ville souhaite sévir contre les gestionnaires immobiliers ou « hôtes professionnels » qui pourraient contourner cette règle en louant des biens toute l’année.
La professionnalisation n’est pas un mal en soi, mais cette tendance peut avoir un impact sur les réglementations locales, car les villes veulent maximiser leurs revenus fiscaux et faire respecter les règles de zonage et de sécurité.
Londres à travers l’analyse de données Airbnb : comparaison de toutes les sources

Un défi auquel sont confrontés les législateurs locaux lorsqu’ils tentent de mettre en oeuvre des réglementations sur la location de courte durée est simplement d’estimer la taille réelle de ce marché. Combien y a-t-il d’hôtes ? Combien de propriétés sont actives ? L’attention portée au marché londonien de la location de courte durée met en lumière le manque de données fiables, précises et à jour dans ce secteur.
Nous pouvons comparer les données du marché londonien issues de plusieurs sources, qui donnent toutes des chiffres différents :
- L’Hôtel de Ville de Londres avec Inside Airbnb :
- Selon cet ensemble de données, en mai 2019, 80 770 propriétés étaient listées sur Airbnb.
- 56% de ces propriétés Airbnb – 45 070 annonces – étaient des logements entiers.
- Sur le site actuel Inside Airbnb :
- Si on vérifie aujourd’hui, Inside Airbnb affiche 77 096 annonces à Londres, parmi lesquelles 42 758 (55,5%) sont des logements/appartements entiers — un résultat légèrement différent de celui communiqué par l’Hôtel de Ville. Cependant, on ne peut pas vraiment affirmer qu’un ensemble de données soit plus récent ou plus fiable que l’autre. Inside Airbnb propose en accès libre certaines données sur son site, mais d’autres informations sont réservées aux comptes payants.
- À droite, dans le bloc « Annonces par hôte », on voit que sur 77 096 annonces à Londres (qui incluent à la fois des chambres privées et des logements entiers/appartements) :
- 41 132 (53,4%) sont gérées par des personnes ne possédant qu’une seule annonce
- 35 964 (46,6%) font partie de portefeuilles multi-annonces. Ceci semble indiquer qu’il y a 35 964 annonces appartenant à des hôtes avec au moins 2 annonces. Cependant, prenez toujours ces chiffres avec des pincettes car ils peuvent comporter des erreurs (voir ci-dessous).
- Ensemble de données Airbnb :
- En avril 2019, Airbnb a annoncé qu’il y avait 60 000 annonces à Londres sur sa plateforme, mais sans préciser combien d’entre elles étaient des logements/appartements entiers.
- Données AirDNA :
- Les données de décembre 2019 recensent 69 904 « locations actives », dont 43 084 logements/appartements entiers (62%). AirDNA détaille également le nombre de chambres privées et d’espaces partagés, ainsi que des données comme les notes des avis, le nombre de chambres et la durée moyenne de séjour. Pour accéder à ces données, il faut créer un compte. Un compte gratuit donne accès à des informations de base, tandis qu’un abonnement payant permet d’obtenir des données de marché plus détaillées.
Ainsi, en comparant les données d’AirDNA et Inside Airbnb, le nombre total d’annonces se situe entre 69 000 et 77 000, ce qui correspond plus ou moins au chiffre de 60 000 avancé par Airbnb. Mais des questions subsistent : notamment, qu’est-ce qu’une « annonce active » par rapport à une « annonce », et ces chiffres incluent-ils les annonces désactivées, suspendues ou supprimées ? Ce qui est intéressant, c’est qu’Inside Airbnb et AirDNA estiment qu’il y a environ 42 000 à 45 000 logements/appartements entiers listés à Londres. Avec le peu de données Airbnb disponibles, il reste difficile de quantifier réellement le nombre de locations de courte durée existant à Londres.
Attention aux possibles biais dans l’interprétation des ensembles de données Airbnb

Puisque la législation londonienne cherche à identifier les propriétaires ou gestionnaires qui possèdent plusieurs biens, il peut être tentant de consulter divers ensembles de données Airbnb et de tirer des conclusions hâtives sur le nombre d’annonces détenues par des hôtes multi-annonces. Cependant, vu la fiabilité discutable de ces données, nous souhaitons partager quelques mises en garde pour éviter des conclusions erronées :
Soyez attentif au risque de confondre un propriétaire multi-annonces et un propriétaire multi-biens, ce qui pourrait inclure :
- Un hôte qui possède un appartement de 3 chambres, puis loue 2 des chambres et crée finalement 1 annonce par chambre — soit un total de 2 annonces.
- Un hôte qui possède 2 appartements, puis les loue tous les deux en créant une annonce pour chaque appartement — soit aussi 2 annonces.
- Un hôte qui possède un appartement de 2 chambres mais fait preuve d’astuce en créant deux annonces pour ce même bien sur Airbnb : une annonce pour tout l’appartement de 2 chambres et une autre pour le même appartement en version 1 chambre — encore une fois, un total de 2 annonces. Cette stratégie est possible — et même encouragée — sur Airbnb. La plateforme facilite même la synchronisation des calendriers pour un même bien représenté par plusieurs annonces.
Ces statistiques, issues de différentes plateformes d’analyse de données Airbnb, ne mettent pas en lumière les gestionnaires multi-biens qui se cachent derrière une seule annonce.
- Une astuce courante utilisée par certains gestionnaires immobiliers pour contourner les règles consiste à publier chacune de leurs unités sous des comptes Airbnb distincts. Ces gestionnaires utilisent souvent de faux noms et des photos de banque d’images pour rendre leurs profils crédibles. Ainsi, chacun de leurs comptes hôtes n’aura qu’une annonce. Les fonctions Co-Host et Team sur Airbnb sont faciles à utiliser à cette fin.
N’oubliez pas que de nombreux hôtes multi-annonces gèrent des activités tout à fait légitimes.
- Lorsque vous consultez la liste des principaux hôtes multi-annonces d’Inside Airbnb, on retrouve des noms d’entreprises réputées telles que Veeve, City Relay et Sonder. Il n’y a rien de répréhensible à cela.
Locations de courte durée à Londres : la professionnalisation progresse, mais ce n’est pas toujours un mal

La professionnalisation a parfois mauvaise presse dans le domaine des réglementations locales, mais lorsqu’on observe l’ensemble du secteur de la location de courte durée, on constate que les sociétés de gestion professionnelles apportent de nombreuses contributions positives.
Si certains gestionnaires ou opérateurs utilisent les plateformes de location de courte durée pour contourner la législation locale ou arnaquer des voyageurs, de nombreux gestionnaires légitimes comprennent véritablement l’hospitalité et offrent d’excellents produits. Cette nouvelle génération de « marques » de la location de courte durée, telles que Sonder et Stay Alfred, proposent des expériences sûres et fiables, avec un haut niveau de service dans leurs marchés à travers le monde. Les gestionnaires à plus petite échelle opèrent également de manière plus efficace et disposent souvent de plus de ressources que certains propriétaires individuels.
En outre, une multitude de consultants en location saisonnière, de podcasts et d’autres ressources sont apparus pour aider les professionnels à créer des systèmes et des procédures opérationnelles standard (SOP) pour développer leur activité.
En raison de l’attention accrue portée aux gestionnaires professionnels de locations de courte durée à Londres, la question centrale demeure : les autorités locales s’inquiètent des sociétés qui ne respectent pas les plafonds de location légaux. Ces deux types de gestion immobilière sont toutefois très différents et ne devraient pas être amalgamés. Nous prônons donc une meilleure fiabilité des ensembles de données Airbnb et de nouvelles méthodes pour identifier les acteurs malhonnêtes afin que leurs pratiques ne portent pas préjudice aux hôtes professionnels gérant une activité légitime.
Thibault Masson est un expert reconnu en gestion des revenus et en stratégies de tarification dynamique dans le secteur de la location saisonnière. En tant que responsable du marketing produit chez PriceLabs et fondateur de Rental Scale-Up, Thibault aide les hôtes et les gestionnaires immobiliers grâce à des analyses concrètes et des solutions basées sur les données. Fort de plus de dix ans d’expérience dans la gestion de villas de luxe à Bali et à Saint-Barthélemy, il est un conférencier recherché et un créateur de contenu prolifique, capable de rendre simples des sujets complexes pour un public international.




