Marcus Räder est l’une des personnes les mieux placées au monde pour parler de la création et du développement d’une entreprise technologique dans la location saisonnière. Non seulement parce qu’il a bâti sa société de logiciels, Hostaway, à partir de zéro, mais aussi car la marketplace de son entreprise est intégrée à plus de 100 autres solutions pour la location saisonnière. Cela lui donne une vision globale et privilégiée du paysage de l’industrie.
Hostaway est à la fois une solution PMS et un channel manager, c’est-à-dire un type de logiciel qui agit comme le système d’exploitation des sociétés de gestion de biens. Pour les autres logiciels et solutions de l’industrie, de la comptabilité à la tarification dynamique, des outils de communication au filtre des voyageurs, des serrures connectées aux canaux de réservation, la réussite commerciale dépend beaucoup de l’intégration avec les principaux PMS et channel managers.
Une telle intégration n’est pas seulement une condition technique mais aussi un moyen d’atteindre de nouveaux clients via la base d’utilisateurs d’un PMS ou d’un channel manager. Cela signifie qu’au fil des années, Marcus Räder est devenu un véritable point d’entrée et a eu des centaines de conversations avec des entrepreneurs de la tech en location saisonnière à la recherche de conseils, d’accès et d’orientation.
Nous avons rencontré Marcus afin d’obtenir ses conseils sur la création et le positionnement d’une nouvelle entreprise technologique dans la location saisonnière. Dans cette interview, il explique que 60% des solutions technologiques dans la location saisonnière sont créées par des gestionnaires de propriétés qui ont dû résoudre un problème pour leur propre activité d’hospitalité. Pourtant, beaucoup de ces fondateurs échouent à créer une entreprise prospère car ils n’ont pas validé l’existence et la taille du problème à résoudre. La plupart n’ont également aucune expérience dans la création d’une start-up technologique, ce qui est très différent d’une société de gestion de biens. Marcus parle de l’importance d’élaborer un business plan et de déterminer les fonds nécessaires pour faire évoluer l’entreprise. Il explique pourquoi il peut être difficile de lancer un produit dans une toute nouvelle catégorie et comment Hostaway a d’abord trouvé le succès simplement en affirmant être un logiciel de gestion Airbnb. Marcus évoque ensuite les meilleurs canaux pour attaquer le marché et trouver des clients.
Alors que de nombreuses solutions technologiques de location saisonnière ont des gestionnaires de propriétés comme fondateurs, ce n’est pas une garantie d’adéquation marché ni de succès commercial
Marcus Räder : Beaucoup de gestionnaires de biens ont des méthodes uniques qui les distinguent. Et, très souvent, il n’y a pas de logiciel disponible pour cela. Donc, ils développent un logiciel qui se connecte à leur PMS, ou ils créent une solution complète à partir de zéro.
Beaucoup de gestionnaires réalisent que leur activité n’évolue pas comme ils le souhaitent. Ils se rendent compte que, quel que soit l’effort fourni, ils ne gagneront pas d’argent avec la gestion de biens. Pourtant, au sein de leur société, ils ont développé un produit technologique qu’ils décident de séparer et de lancer comme entreprise indépendante.
En fait, c’est ainsi que plus de 60% de nos partenaires ont commencé. Ils étaient gestionnaires et ont développé certains outils eux-mêmes. À ce stade, beaucoup viennent me voir, car ils cherchent à comprendre comment aller sur le marché ou souhaitent en apprendre davantage. Je parle à beaucoup de ces fondateurs avant même qu’ils n’aient lancé leur société. Dans de nombreux cas, ils ont un prototype ou un produit qui fonctionne, mais ils ne sont pas sûrs de se lancer ou non.
Les trois questions que les fondateurs de la tech en location saisonnière devraient se poser au démarrage
Question n°1 : Êtes-vous prêt à vous investir pleinement pour amener votre entreprise à l’échelle supérieure ?
Marcus Räder : La première question que je pose toujours, c’est : l’entreprise est-elle scalable ? Est-ce que c’est ce qu’ils veulent faire ? Car lorsque vous dirigez une société tech, la question de l’échelle n’est pas une occupation secondaire.
Vous ne pouvez pas simplement construire un outil et le vendre comme projet annexe. Si vous voulez réussir dans la technologie, vous allez avoir des milliers d’utilisateurs. Vous allez avoir des dizaines, des centaines, des milliers d’employés, ce n’est pas un job d’appoint. Il faut s’investir à 100%. C’est généralement ma première question. Si tant de projets annexes restent dans cet état, c’est parce que les fondateurs n’ont jamais pris ce virage.

Question n°2 : Comment avez-vous validé l’existence et la taille du problème que vous souhaitez résoudre ?
Marcus Räder : Je vois parfois des fondateurs qui n’ont pas validé le problème. C’est le premier critère que tout VC vérifiera dans une start-up tech. La première slide d’un pitch investisseur concerne toujours le problème. Ensuite, bien sûr, l’entreprise, ce qu’elle fait, son idée, qu’on appelle la solution.
Or, le principal souci, ce n’est pas que pour la location saisonnière. Quand vous êtes un expert du secteur, vous pouvez penser qu’un problème est immense parce que vous le voyez tous les jours. À chaque fois que vous échangez avec d’autres personnes du métier, elles voient le même problème. Mais c’est parce que vous avez un biais. Admettons que vous soyez gestionnaire de biens en Floride, il y a fort à parier que vous parliez à d’autres gestionnaires en Floride. C’est pour ça qu’ils sont d’accord avec vous. Mais vous ne parlez pas à des gestionnaires en France ou à Washington.
Ne comptez pas que sur votre expérience, vos employés ou votre réseau, car ces personnes diront : “Oui, c’est un problème.” À la place, faites une prospection à froid. Choisissez une ville. Prenons Londres, UK. Tapez “London UK Airbnb property management” sur Google. Appelez ces 10 entreprises et demandez : “Est-ce un problème pour vous ?” Si oui, vous avez probablement validé votre hypothèse. C’est un problème. Nombre de fondateurs n’ont pas vu que le problème qu’ils avaient résolu ne concernait que leur cas ou une part infime du marché. Assurez-vous que le problème est suffisamment grand.

Question n°3 : Que savez-vous vraiment de la création d’une startup technologique ?
Marcus Radier : Le troisième point, c’est que nombre de ces fondateurs n’ont pas fait suffisamment de recherches sur la création d’une startup tech. C’est pourtant très simple. Il suffit de lire un livre ou de chercher sur Google. Il faut du temps et de l’argent. Même si vous avez un super problème et une bonne solution, et que vous décidez de vous lancer à fond, il faudra beaucoup d’efforts pour que la société décolle vraiment. Ce n’est pas qu’une question de travail : travailler dur ne suffit pas.
Bien souvent, ces personnes, issues du secteur de l’hospitalité, n’ont pas d’expérience dans la création de sociétés tech. Beaucoup, en fait, n’ont jamais travaillé dans une start-up technologique, ce qui les désavantage nettement. Il y a des compétences très basiques à connaître. Par exemple, ils doivent comprendre :
- Comment développer un logiciel ?
- Quelles sont les exigences pour la version 1 ? Et pour la version 15 ? Comment y arriver, et combien cela va-t-il coûter ?
- D’où viendra l’argent ?
- Comment mettre en place la structure capitalistique ?
- Pouvez-vous obtenir un financement externe ? Faut-il en chercher un ?
Avant même de commencer, analysez tout, planifiez le calendrier. Cela s’appelle un plan d’entreprise. Remplissez un tableau Excel répondant aux questions suivantes :
- Et si vous aviez mille clients ?
- Combien de questions poseraient-ils ?
- Combien d’employés faut-il pour y répondre ?
- Quel sera le coût du recrutement ?
- Combien d’ingénieurs sont nécessaires ? Quelles sont les fonctionnalités ? Évidemment, votre logiciel n’aura pas qu’une seule fonctionnalité, car si c’était si simple à construire, n’importe qui pourrait s’en charger, peut-être moins cher que vous.
- Donc, il faudra que ce soit assez avancé. Il faut que ce soit difficile à construire, mais combien cela coûte et où trouvez-vous le financement ?

Facteurs clés de succès pour les entrepreneurs dans la location saisonnière : écouter, échanger, demander de l’aide
Marcus Räder : Lorsque nous avons lancé Hostaway, nous ne connaissions rien à ce secteur. Nous avions peut-être voyagé via Airbnb quelques fois. Nous n’avions jamais hébergé qui que ce soit. Nous ne venions absolument pas de la gestion immobilière. C’était il y a six ans.
Les enseignements les plus importants, je les ai tirés en parlant avec les gens. Grâce à ça, nous avons bâti un vaste réseau, non seulement de clients mais aussi de futurs partenaires. En 2021, nous avons lancé notre marketplace. Nous avons plus d’une centaine de solutions logicielles intégrées. La plupart de ces logiciels sont concentrés sur la location de vacances. Ce sont des entreprises comme Airbnb, axées sur la location saisonnière, ou comme PriceLabs et Beyond, qui fournissent la tarification aux gestionnaires de biens.
Au fil des années, j’ai parlé à tant d’entrepreneurs du secteur que j’ai beaucoup appris de leurs erreurs, celles que nous aurions pu reproduire. Cela a permis à Hostaway d’en éviter pas mal.
Je crois que les entrepreneurs ne peuvent réussir que s’ils se font aider. Et quand ils ont du succès, ils rendent à leur tour la pareille. J’ai reçu énormément de soutien et de mentorat de la part d’autres personnes. Je rends cela en participant à des incubateurs, des conférences, et par du mentoring individuel, ce qui me permet aussi de rencontrer des gens fascinants.
Il est beaucoup plus facile de créer une entreprise tech dans une catégorie de produits déjà établie. Que faire si votre catégorie est entièrement nouvelle ?
Marcus Räder : Le positionnement, c’est le moment où vous prenez un problème qui existe et une solution qui fonctionne, puis vous cherchez qui est prêt à payer, même un peu, pour ça.
Dès que vous identifiez l’état d’esprit de ceux qui ont le problème et aiment votre solution, ils ne sont pas forcément prêts à payer pour cela. Maintenant, ce que j’ai appris grâce à Hostaway, c’est que nous avons eu beaucoup de chance côté positionnement. La catégorie avec laquelle nous avons commencé était le logiciel de gestion Airbnb, devenu ensuite logiciel pour la location de vacances. C’était une catégorie déjà connue. Les gens cherchaient ce type de produit.
Quand il s’agit de positionnement, il faut être réaliste. Prenez votre produit. Appartient-il à une catégorie existante ? Est-ce que des gens recherchent ce type de produit ? Avez-vous des concurrents ? Si c’est le cas, tout va être plus simple, car vous exploitez un cadre de référence connu.
Si vous n’êtes pas dans une de ces catégories, c’est un défi. Prenons des entreprises qui arrivent avec un concept inédit dans la location de vacances. Par exemple, si vous lancez une société qui crée des serrures intelligentes, c’est une catégorie existante. Ceux qui cherchent des solutions de serrure connectée pour Airbnb iront sur Google et taperont “smart lock solutions for Airbnbs”. C’est comme ça qu’ils vous trouveront.
Autre exemple, pour lequel il n’existait aucune catégorie il y a 5 ou 10 ans. Certaines entreprises produisant des données pour l’industrie, comme AirDNA, Transparent ou Key Data, ont dû créer une catégorie entièrement nouvelle. Elles savaient qu’il y avait une demande, mais leur succès n’est pas le fruit du hasard. C’est beaucoup plus difficile que pour quelqu’un qui produit des serrures connectées.
Le besoin existait, sans qu’il n’y ait de catégorie produit. Par exemple, un gestionnaire veut savoir s’il doit prendre un nouveau client. Un investisseur veut savoir s’il doit acheter un bien. Une ville veut savoir combien de locations saisonnières sont présentes sur son territoire.
Côté positionnement, soyez sûr de savoir si vous êtes dans une catégorie déjà établie ou pas. Car si ce n’est pas le cas, il vous faudra créer la catégorie. Vous pouvez avoir un produit et une société, mais personne ne vous trouvera si personne ne cherche cette catégorie-là.
Conseils Go-to-market pour les entreprises technologiques de la location saisonnière

Pourquoi Hostaway s’est adressé au marché avant même de développer un produit
Marcus Räder : La leçon clé, c’est de toujours vendre votre solution avant qu’elle ne soit prête, car vous ne voulez pas bâtir une solution que personne ne veut acheter. Vous pourriez perdre beaucoup de temps et d’argent. Ce sont les deux seules choses qui comptent dans une start-up technologique.
Notre stratégie go-to-market relevait peut-être de la chance, ou était très intelligente, ou même un peu stupide. J’ai créé la première pub. Je l’ai publiée sur Facebook. J’ai ciblé les gens intéressés par Airbnb et j’ai mis dans le texte : ‘Logiciel de gestion Airbnb gratuit’. C’était facile pour nous d’être gratuits, puisque nous n’avions aucun client à ce moment. Nous n’avions pas encore de produit, mais nous avons eu des centaines d’inscriptions.
J’ai appelé ces personnes. Ensuite, j’ai demandé à chacune : “Vous cherchez vraiment ce genre de logiciel ?” Ils répondaient oui. J’enchaînais : “Que voudriez-vous que ce logiciel fasse ?”. S’ils étaient agacés, je leur disais : “Désolé, en fait je n’ai rien à vous proposer pour le moment, mais pouvoir échanger avec vous, c’est fantastique.”
Ce que j’ai vite compris, c’est que 10 % d’entre eux voulaient quelque chose de facile à construire. On a commencé par là. Il s’est avéré qu’ils le voulaient vraiment, mais qu’ils n’étaient pas prêts à payer. On leur a demandé ce qu’il faudrait pour qu’ils acceptent de payer. Ils répondaient : “Ajoutez telle ou telle fonction, et là je paierais.” Alors nous l’ajoutions. Et un jour, un client a fini par dire : assez parlé, je veux vous payer !
Choisissez d’être global, ou au moins une solution adaptée à plusieurs cas d’usage
Marcus Räder : Nous voulions dès le départ être une entreprise globale. Dans la tech de la location saisonnière, beaucoup de solutions démarrent dans un pays ou une région, et vendent là-bas. Nous, on a fait l’inverse. Nous avons dit : il faut être global parce qu’on ne sait pas où seront nos meilleurs marchés. La pandémie nous a donné raison : les États-Unis n’ont jamais été aussi forts, tandis que l’Europe peine encore. De même, certains éditeurs tech qui ne visaient que la courte durée urbaine avant la crise ont beaucoup souffert. C’est pour cela que notre entreprise est si solide aujourd’hui : elle repose sur deux piliers.
Obtenez retours et recommandations de vos clients gestionnaires de biens
Marcus Räder : Je dirais que la façon la plus simple et la moins chère de commencer, c’est de parler aux gens, en particulier aux gestionnaires de biens. Discutez avec vos propres clients : connaissent-ils des personnes à qui en parler ? Ont-ils des retours à partager ? Souvent, j’ai demandé à nos clients : “Si vous étiez à ma place, vous feriez quoi après ?” C’est très économique et très efficace, car vous obtenez du feedback en face à face, impossible à avoir via AdWords.
Contactez des éditeurs technologiques de la location saisonnière de taille comparable
Marcus Räder : Un autre conseil est de discuter avec d’autres entreprises dans le secteur. Quelles que soient vos solutions, d’autres sociétés rencontrent les mêmes défis que vous. Si vous vous sentez isolé, eux le sont sûrement aussi. Parlez-leur, contactez d’autres sociétés, idéalement au même stade. Si vous avez 10 clients et 1 employé, approchez d’autres entreprises avec 10 clients et 1 employé. Tentez aussi celles qui ont 100 clients : comment sont-elles arrivées là ?
Intégrez quelques bulles et rappelez-vous qu’elles ne représentent pas l’ensemble du marché
Marcus Räder : Gardez à l’esprit le biais de votre propre bulle. Par exemple, dans les groupes Facebook ou sur LinkedIn, vous resterez dans une bulle : ce que vous entendez-là, ce sont 1 % du marché. Vous ratez les 99 % autres.
Aller à une conférence, c’est aussi une forme de bulle, mais différente. Vous entendrez des points de vue auxquels vous n’auriez même pas pensé. Des gens vous poseront des questions auxquelles vous ne saviez pas devoir répondre.
Canaux payants : ils demandent du temps et de l’argent, donc sélectionnez-en peu
Marcus Räder : Pour les relations presse et le marketing en général, faites une chose et faites-la bien, surtout si vous avez peu de temps ou d’argent. Si vous divisez votre budget et votre attention sur trop de canaux, vous aurez de mauvais résultats partout.
Qu’il s’agisse de pubs Facebook, Google AdWords, bannières, YouTube, webinaires, podcasts, agence RP, ne tentez pas tout. Parlez à vos utilisateurs existants : comment vous ont-ils trouvés ? Pouvez-vous dupliquer cela ? Augmenter l’effet ? Et testez vos concurrents : comment leurs utilisateurs les ont-ils rencontrés ? Peut-être qu’il y a là des canaux inexploités.
Comment contacter Marcus Räder, PDG de Hostaway ?
Marcus Räder : Si vous souhaitez me contacter directement, je serai ravi de vous appeler et de soutenir la communauté, rendez-vous sur mon profil LinkedIn et contactez-moi là-bas.
Si vous lancez une solution pour la location saisonnière et que vous pensez qu’une intégration avec un PMS ou un channel manager serait adaptée, une bonne solution pour vous est d’utiliser la marketplace de Hostaway. Il y a un formulaire à remplir. Notre équipe vous contactera et nous pourrons planifier un appel pour voir si cela correspond à vos besoins pour toucher notre base de clients.
Si Hostaway vous intéresse, nous offrons une démo personnalisée à chacun, que vous souhaitiez acheter maintenant ou plus tard. Rendez-vous sur notre site et réservez une démo gratuite.
Thibault Masson est un expert reconnu en gestion des revenus et en stratégies de tarification dynamique dans le secteur de la location saisonnière. En tant que responsable du marketing produit chez PriceLabs et fondateur de Rental Scale-Up, Thibault aide les hôtes et les gestionnaires immobiliers grâce à des analyses concrètes et des solutions basées sur les données. Fort de plus de dix ans d’expérience dans la gestion de villas de luxe à Bali et à Saint-Barthélemy, il est un conférencier recherché et un créateur de contenu prolifique, capable de rendre simples des sujets complexes pour un public international.



