Le pari long terme d’Airbnb sur les Expériences & Services suscite du scepticisme à court terme

Airbnb fait l’un de ses paris stratégiques les plus audacieux à ce jour : s’étendre au-delà de l’hébergement pour devenir une marque lifestyle. Avec ses Expériences relancées et ses toutes nouvelles Services, Airbnb veut offrir bien plus que des lieux où dormir. L’ambition est de façonner la manière dont les voyageurs occupent leur temps, durant leurs voyages et, de plus en plus, au quotidien.

Mais alors que l’entreprise présente une vision d’avenir où réserver un dîner chez l’habitant ou faire appel à un promeneur de chiens vérifié par Airbnb serait aussi courant que réserver un logement, les analystes — et certains professionnels de la location de vacances — restent sceptiques. Pourquoi ? Parce que le lancement aurait manqué d’ampleur, que le catalogue de produits demeure restreint et que des questions subsistent sur l’échelle, la traction et le contrôle.

Voici une analyse de ce sur quoi mise Airbnb — et pourquoi cela ne convainc pas encore tout le monde.


🧠 L’idée maîtresse : de plateforme de voyage à marque lifestyle

Au cœur de la stratégie d’Airbnb, on trouve une transformation :

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D’un « lieu où dormir » → à « une plateforme pour des moments significatifs ».

Brian Chesky, PDG d’Airbnb, imagine un futur où les clients se tournent vers Airbnb non seulement pour voyager, mais aussi pour découvrir des expériences et des services dans leur propre ville — yoga au parc, atelier de pâtes artisanales, toilettage canin ou personal shopping par exemple.

Pour accompagner cette vision, Airbnb a :

  • Relancé les Expériences en 2025 avec une nouvelle stratégie de curation et une intégration au sein de l’application principale.
  • Lancé Airbnb Services, proposant des prestations payantes à la demande comme des massages, la garde d’enfants ou des cours de cuisine — le tout animé par des habitants et réservable dans l’application.

Chesky affirme que ces catégories pourraient devenir des « activités à plusieurs milliards de dollars ». Mais à ce jour, elles en sont très éloignées.


🔍 La réalité actuelle : petit catalogue, grandes questions

Voyons où en sont réellement ces produits aujourd’hui :

  • Les Expériences sont disponibles dans quelques dizaines de villes et la sélection des annonces est très rigoureuse. Bien que la curation soit meilleure qu’auparavant, l’offre reste très limitée.
  • Les Services ne sont proposés actuellement que dans quelques villes, et l’éventail demeure restreint. Dans la plupart des marchés, le catalogue est si faible que les clients peuvent ne même pas tomber dessus.

Même Ellie Mertz, directrice financière d’Airbnb, a reconnu lors de la présentation des résultats du deuxième trimestre 2025 que les « sièges réservés » (leur nouvelle mesure d’utilisation) demeurent négligeables par rapport au total des réservations.

Pour de nombreux observateurs attentifs au lancement, l’ampleur n’est pas au rendez-vous. Et pour les gestionnaires de locations saisonnières, l’arrivée des Services — en particulier ceux pouvant être réservés dans leurs propriétés — soulève des interrogations sur le contrôle et la supervision.


❓ 5 doutes majeurs des analystes (et les réponses d’Airbnb)

1. Qui va réserver ces prestations ?

Le doute : Quel sera le taux d’adjonction ? Les clients réservent-ils vraiment des services et expériences en plus de leurs séjours ?

Réponse d’Airbnb : Peu de données chiffrées, mais Chesky cite :

  • Plus de 13 000 retombées presse
  • Près de 660 millions d’impressions sur les réseaux sociaux
  • Une excellente note moyenne de 4,93/5 de la part des invités (mieux encore que les logements, à 4,8)

Il précise que le nombre de réservations reste faible, mais que l’intégration dans l’app et la notoriété en haut de l’entonnoir posent les bases pour l’avenir.


2. Airbnb peut-il augmenter l’offre sans sacrifier la qualité ?

Le doute : Tout nouveau segment risque d’être envahi par des offres médiocres.

Réponse d’Airbnb : Chesky insiste :

  • Toutes les Expériences sont vérifiées avant d’être mises en ligne — plus rigoureusement que les logements.
  • Un réseau de prestataires tiers et d’équipes opératives gère la vérification et l’onboarding.
  • La société privilégie la rareté et la qualité, avec les Airbnb Originals (ses propres expériences sélectionnées) comme référence d’exigence.

3. Pourquoi ne pas se concentrer sur l’hébergement et les hôtels ?

Le doute : Airbnb ne devrait-il pas rester focalisé sur ses forces plutôt que de s’éparpiller ?

Réponse d’Airbnb : C’est une stratégie “et, pas ou” :

  • Airbnb développe son offre hôtelière, en particulier avec les chambres d’hôtes indépendantes.
  • Mais Expériences et Services sont de nouveaux moteurs de croissance, et permettent de diversifier les revenus — notamment grâce à la demande locale.

Par exemple, 40 % des réservations d’Airbnb Originals et 10 % des réservations de Services proviennent de locaux, pas de voyageurs — un signal fort qu’Airbnb voit l’usage lifestyle comme la principale opportunité sur le long terme.


4. Un investissement de 200 millions de dollars, trop tôt ?

Le doute : Airbnb investit-il trop d’argent dans une activité incertaine ?

Réponse d’Airbnb : Mertz précise qu’il ne s’agit pas de nouvelles dépenses, mais d’un chiffrage affiné des plans déjà annoncés. Cela couvre :

  • Les effectifs
  • Les opérations de vérification
  • L’onboarding de l’offre. Pas de grosse augmentation du marketing.

Oui, les marges baisseront au T3 et T4 2025. Mais Airbnb explique qu’il s’agit d’un investissement à long terme pour créer de nouvelles catégories.


5. Faudra-t-il une publicité massive pour réussir ?

Le doute : Les Expériences et Services ont-ils besoin de campagnes coûteuses pour décoller ?

Réponse d’Airbnb :

Tout est regroupé.

Plutôt que des campagnes verticales séparées, Airbnb se positionne comme une plateforme unique — réunissant logements, expériences et services.

Ils choisissent également :

  • De dépenser moins en TV, plus dans des publicités sociales ciblées
  • De viser les voyageurs en quête d’inspiration, notamment les publics jeunes
  • De miser sur le trafic direct (90 % du trafic Airbnb n’est pas payant)

Sur le papier, la stratégie paraît donc légère et efficiente.


🏡 Ce que cela change pour les gestionnaires de locations saisonnières

Si vous êtes hôte ou gestionnaire professionnel, il y a plusieurs raisons de porter attention :

  1. Les Expériences pourraient créer de nouveaux partenariats — notamment pour les opérateurs proposant des logements multi-unités ou bien placés près des pôles touristiques.
  2. Des Services pourraient être proposés dans votre propriété — mais à ce stade, Airbnb n’a pas expliqué comment ni même si les gestionnaires seront notifiés, encore moins consultés. Cela risque de générer des tensions.
  3. Airbnb cherche à fidéliser ses clients même quand ils ne voyagent pas. Si cette stratégie fonctionne, elle pourrait augmenter la valeur vie client des utilisateurs — ce qui, à terme, profite à l’offre côté hébergeurs.

Mais tant que le catalogue reste limité et que les processus ne sont pas clarifiés, de nombreux gestionnaires resteront en retrait.


🧭 Conclusion : une vision audacieuse, encore en version bêta

Airbnb sème les graines d’une plateforme d’un genre tout à fait nouveau — où le temps, et non plus seulement l’espace, devient le produit phare.

Mais même Chesky et Mertz l’admettent : ils en sont aux débuts de ce chemin. Le pari est audacieux. Les ambitions sont immenses. Mais aujourd’hui, tout cela reste promesse, plus que performance.

Que les Expériences et Services finissent par devenir des moteurs de revenus majeurs — ou restent des compléments de niche — dépendra de la capacité d’exécution d’Airbnb en 2025 et au-delà. Pour l’instant, les gestionnaires de locations saisonnières devront rester vigilants, interroger le fonctionnement des Services proposés dans leurs logements, et guetter les tests pilotes locaux qui pourraient annoncer de grands changements à venir.