L’Europe du Sud est un marché important pour les locations de vacances : chalets dans les Alpes françaises, anciennes fermes en Toscane, villas sur la Costa Blanca, appartements à Lisbonne, sont quelques-unes des offres de cette région du monde. L’Europe a été touchée plus tôt que les États-Unis. On pourrait même dire que les États-Unis ont ensuite été plus durement touchés et le sont toujours. Pourtant, on ne s’en rendrait pas compte en regardant les données sur la location de vacances : le rythme des réservations a rebondi beaucoup plus vite aux États-Unis, remontant dès la fin avril et restant très élevé, alors qu’il a stagné en Europe du Sud, sauf en France.
Il en va de même pour les taux d’annulation : les chiffres américains ont grimpé plus tard, mais n’ont jamais atteint les sommets de la France, de l’Italie, de l’Espagne ou du Portugal. Et le taux d’annulation des États-Unis est resté beaucoup plus bas que dans ces pays. Alors que le nombre de cas de COVID-19 continue d’augmenter aux États-Unis, le taux d’annulation demeure faible. Pendant ce temps, les taux d’annulation recommencent à remonter dans certaines régions d’Europe, les cas ayant augmenté, les périodes de quarantaine étant revenues, et les voyages internationaux intra-européens semblant plus incertains.
Comment la France, l’Italie, le Portugal et l’Espagne se sont-ils comportés depuis le début de la crise en février ? En quoi les schémas ont-ils été différents ou similaires ? Vous verrez que, de la mi-mai au début août, la France a réussi à faire nettement mieux que ses homologues, avec une hausse du rythme des réservations et une baisse des taux d’annulation. L’Italie a également réussi à maintenir un taux d’annulation plus bas qu’au Portugal et en Espagne, mais le rythme de réservation y est resté bien inférieur à celui d’avant la crise. Pour l’Ibérie, le Portugal s’en est mieux sorti que l’Espagne, le rythme de réservation au Portugal ayant presque atteint les niveaux de février 2020, juste avant la crise. Mais cela indique tout de même un faible niveau d’activité pour une période qui devrait être la haute saison.
Taux d’annulation sur le marché des locations de vacances en Europe du Sud (du 3 février au 3 août, France, Italie, Espagne et Portugal)

Au début de la crise, les gestionnaires de locations de vacances en Europe ont vu une vague d’annulations s’amplifier sans cesse, du début février à fin mars. Ce graphique, initialement réalisé par BeyondPricing, montre le pourcentage de réservations annulées avant la date de séjour. Cela signifie que, à une date donnée, x% des séjours qui avaient été réservés ont ensuite été annulés.
Pour vous aider à comprendre les données de chaque pays, nous avons sélectionné les 3 mêmes dates :
- France – 3 février 2020 : 7 % des réservations ont été annulées pour cette date
- France – 16 mars 2020 : 59 % des réservations ont été annulées pour cette date
- France – 3 août 2020 : 16 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Italie – 3 février 2020 : 4 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Italie – 16 mars 2020 : 54 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Italie – 3 août 2020 : 13 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Portugal – 3 février 2020 : 6 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Portugal – 16 mars 2020 : 78 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Portugal – 3 août 2020 : 38 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Espagne – 3 février 2020 : 9 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Espagne – 16 mars 2020 : 81 % des réservations ont été annulées pour cette date
- Espagne – 3 août 2020 : 28 % des réservations ont été annulées pour cette date
Avant que la crise ne touche sérieusement l’Europe du Sud, on observe sur le graphique qu’au 3 février 2020, les taux d’annulation étaient d’environ 7 % en France, 4 % en Italie, 6 % au Portugal et 9 % en Espagne.
En Espagne et au Portugal, les taux d’annulation ont explosé et se sont maintenus à des niveaux très élevés, entre -80 % et -70 %, jusqu’à la fin juin. Puis, les taux d’annulation sont tombés autour de -23 % fin juillet. Or, dès le début août, les taux d’annulation ont recommencé à augmenter. En Espagne, les recommandations de non-voyage venues du Royaume-Uni, de France et d’Allemagne ont peut-être eu un impact, en plus de la hausse des cas de COVID-19.
En France et en Italie, les taux d’annulation ont également fortement augmenté, mais ils se sont stabilisés à un niveau plus bas, aux alentours de -50 % en moyenne, avec des variations comprises entre -40 % et -60 %. À noter qu’en Italie, les taux d’annulation ont commencé à monter une bonne quinzaine de jours avant les trois autres pays. Au 3 août 2020, les taux d’annulation étaient de 16 % en France et 13 % en Italie. Contrairement à l’Espagne et au Portugal, les taux d’annulation étaient toujours en baisse à la première semaine d’août. Pourtant, le Royaume-Uni ayant ajouté la France à sa liste de pays imposant une quarantaine, on pourrait constater une nouvelle flambée d’annulations (on estime que 500 000 voyageurs britanniques étaient en France au 10 août).

Réservations par annonce sur le marché des locations de vacances en Europe du Sud (du 3 février au 3 août, France, Italie, Espagne et Portugal)

Cet autre graphique, également initialement réalisé par BeyondPricing, montre le rythme des réservations par annonce dans chaque pays. Pour une date donnée, il indique combien de réservations ont été enregistrées pour une date ultérieure. Deux éléments sont à garder en tête avant de lire les données ici :
– En Europe du Sud, il paraît logique que, même en temps normal, le rythme des réservations varie en fonction de la saison. Par exemple, imaginez qu’en juillet, vous recevez des réservations pour juillet (avec arrivée le même mois) et pour août (arrivée le mois suivant), deux mois très forts. En août, vous recevez des réservations pour le mois d’août. Le volume de nouvelles réservations diminue car septembre est moins dynamique. Par ailleurs, si l’occupation est très élevée, vous n’aurez peut-être plus la place d’accepter de nouvelles réservations de dernière minute ou pour le même mois d’août. Ainsi, le rythme de réservation sera plus bas en août qu’en juillet.
– Veuillez ne pas comparer les chiffres absolus entre les pays, mais plutôt l’évolution constatée dans chaque pays par rapport à ses propres données précédentes. Par exemple, il peut être « normal » que les réservations par annonce soient plus élevées en France qu’au Portugal si l’offre de locations de vacances au Portugal est relativement supérieure à la demande qu’en France. Ce qui importe ici, c’est la variation pays par pays et date après date.
Ainsi, en temps « normal », le rythme des réservations doit augmenter de février à juin et, selon les marchés, atteindre son apogée en juin ou juillet. En 2020, le COVID-19 a totalement perturbé ces schémas habituels :
- France – 3 février 2020 : 0,19 réservation par annonce (ce jour-là, l’annonce recevait en moyenne 0,19 réservation pour une date future)
- France – 27 avril 2020 : 0,03 réservation par annonce
- France – 29 juin 2020 : 0,39 réservation par annonce
- France – 3 août 2020 : 0,19 réservation par annonce
- Italie – 3 février 2020 : 0,15 réservation par annonce (ce jour-là, l’annonce recevait en moyenne 0,15 réservation pour une date future)
- Italie – 27 avril 2020 : 0,02 réservation par annonce
- Italie – 29 juin 2020 : 0,07 réservation par annonce
- Italie – 3 août 2020 : 0,06 réservation par annonce
- Portugal – 3 février 2020 : 0,09 réservation par annonce (ce jour-là, l’annonce recevait en moyenne 0,09 réservation pour une date future)
- Portugal – 27 avril 2020 : 0,01 réservation par annonce
- Portugal – 29 juin 2020 : 0,06 réservation par annonce
- Portugal – 3 août 2020 : 0,07 réservation par annonce
- Espagne – 3 février 2020 : 0,19 réservation par annonce (ce jour-là, l’annonce recevait en moyenne 0,19 réservation pour une date future)
- Espagne – 27 avril 2020 : 0,01 réservation par annonce
- Espagne – 29 juin 2020 : 0,06 réservation par annonce
- Espagne – 3 août 2020 : 0,05 réservation par annonce
Dans les quatre pays, le rythme de réservation a décliné progressivement du début février à fin mars. Puis, il est resté anormalement bas (ex. : le 27 avril 2020 : 0,03 en France, 0,02 en Italie, 0,01 au Portugal, et 0,01 en Espagne).
Mi-mai, un phénomène particulier est apparu en France : le rythme des réservations a grimpé rapidement jusqu’à 0,39 fin juin. Une explication possible : les voyageurs français ont commencé à réserver massivement des séjours domestiques, dès le déconfinement généralisé du 15 mai. Autre raison possible : des pays voisins comme la Belgique et les Pays-Bas ont commencé à réserver en France dès juin, une fois les frontières officiellement rouvertes le 15 juin. Cet été, les routes françaises étaient d’ailleurs remplies de touristes néerlandais et belges ayant privilégié un trajet d’une journée en voiture pour rester près de chez eux, et donc opté pour la France plutôt que l’Italie ou l’Espagne. Cependant, début juillet, le rythme des réservations a commencé à fléchir, ce qui confirme l’hypothèse d’une demande refoulée : tous ceux qui voulaient réserver pour un séjour en France cet été l’ont fait en juin, d’où la stabilisation.
En Italie, au Portugal et en Espagne, les rythmes de réservation sont repartis à la hausse, mais sans jamais retrouver le rythme du début février, contrairement à la France. Juin et juillet sont restés relativement stables. Le Portugal a fait mieux que l’Espagne et l’Italie.
Début août, le rythme des réservations en France et au Portugal est revenu à celui du début février 2020, soit un niveau très faible. Pourtant, les chiffres restent bien plus déprimés en Espagne et en Italie.

Conclusion : alors que les frontières deviennent plus difficiles à franchir, les annulations pourraient augmenter et le rythme des réservations rester bas.
Des régions américaines comme le Sunbelt ou l’intérieur semblent plutôt résilientes : le nombre de cas de COVID-19 reste élevé mais les taux d’annulation ont baissé et le rythme des réservations est stable. Cela peut s’expliquer par la psychologie ou la politique américaine. Mais il est certain que le marché américain des locations saisonnières domestiques est très solide. Tandis que les villes restent à la peine, des destinations comme le Golfe du Mexique, le Tennessee ou le Colorado ont repris des réservations. Les Américains n’hésitent pas à faire 300 kilomètres en voiture pour séjourner dans une location.
En Europe, le COVID-19 est pris plus au sérieux par la population et les gouvernements. Conséquence : voyager d’un pays à l’autre semble plus compliqué. De nombreux professionnels de la location espéraient que les frontières resteraient ouvertes au moins jusqu’à la fin septembre. Cependant, il semble que les restrictions de voyage soient revenues depuis le début/milieu août.
La France, grâce à un marché domestique solide et à la demande des pays voisins (ex. : les Pays-Bas), a pu enregistrer plus de réservations et moins d’annulations que l’Italie, le Portugal et l’Espagne. Pourtant, comme les touristes britanniques doivent désormais se mettre en quarantaine en revenant de France, la tendance pourrait aussi s’inverser pour la France.
Thibault Masson est un expert reconnu en gestion des revenus et en stratégies de tarification dynamique dans le secteur de la location saisonnière. En tant que responsable du marketing produit chez PriceLabs et fondateur de Rental Scale-Up, Thibault aide les hôtes et les gestionnaires immobiliers grâce à des analyses concrètes et des solutions basées sur les données. Fort de plus de dix ans d’expérience dans la gestion de villas de luxe à Bali et à Saint-Barthélemy, il est un conférencier recherché et un créateur de contenu prolifique, capable de rendre simples des sujets complexes pour un public international.




