Transparence : comment l’Union européenne a rendu Airbnb plus favorable aux consommateurs qu’aux États-Unis

Aux États-Unis, la pression des réseaux sociaux a poussé Airbnb à mettre en place d’importants changements, comme l’intégration antérieure des « frais cachés » dans l’affichage du prix total et l’intervention du PDG Brian Chesky demandant aux hôtes d’arrêter d’imposer aux voyageurs une liste interminable de tâches ménagères au moment du départ. Cependant, dans l’Union européenne, la volonté de rendre Airbnb plus transparent a été motivée par de solides législations européennes sur la protection des consommateurs et la concurrence. Par exemple, alors qu’Airbnb affichera les « prix totaux du séjour » aux États-Unis à partir de décembre 2022, l’entreprise y est contrainte dans l’UE depuis 2019. 

Cet article détaille d’autres différences entre Airbnb aux États-Unis et en Europe. Par exemple, toutes les annonces européennes doivent indiquer si un hôte est un « particulier » ou un « professionnel ». Ces règles s’appliquent à toutes les plateformes de réservation opérant au sein de l’UE, comme Airbnb, Booking et Vrbo. En matière de droits des consommateurs, ces lois vont généralement plus loin qu’aux États-Unis.

Pourtant, il serait erroné de penser que l’UE agit uniquement « contre » les agences de voyage en ligne (OTA). Dans certains cas, elle souhaite également soutenir les petites et grandes plateformes en simplifiant les réglementations locales à travers les 27 pays membres de l’UE. L’objectif est de faire de l’UE un marché commun efficace avec les mêmes règles pour les consommateurs et les plateformes partout sur le continent.

european union short-term rental data

États-Unis vs. UE : différences majeures sur la plateforme Airbnb

Examinons les principales différences découlant des accords entre l’Union européenne et Airbnb.

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Affichage du prix total (depuis 2019 dans l’UE vs. décembre 2022 aux États-Unis)

Yotal Price Display in the E.U

Problème : Airbnb n’incluait pas tous les frais supplémentaires applicables, comme les frais de service, de ménage et les taxes locales, dans le prix initial communiqué aux consommateurs à la recherche d’un logement.

Explication : En vertu de la législation européenne sur la protection des consommateurs, un prix affiché doit inclure tous les frais fixes et taxes. S’ils ne peuvent être calculés à l’avance, les consommateurs doivent être clairement informés de la possibilité que des frais supplémentaires s’appliquent.

Changements mis en œuvre par Airbnb en 2019 : Airbnb fournit désormais des estimations du prix total qui, dès le départ, incluent tous les frais obligatoires (comme les frais de service, de ménage et les taxes locales).

Distinction entre hôtes particuliers et hôtes professionnels, car les professionnels devraient offrir plus de protections aux consommateurs (depuis 2019)

PROFESSIONAL HOST
vs
INDIVIDUAL HOST
on Airbnb

Si vous êtes un hôte européen, cette question finira par apparaître dans votre espace d’hébergement Airbnb : « Êtes-vous un hôte privé ou professionnel ? ». 

La réglementation européenne sur la coopération en matière de protection des consommateurs oblige un hôte à révéler s’il est un « commerçant », c.-à-d. une entreprise dont le but est de réaliser un profit, plutôt qu’un simple particulier vendant quelque chose. En 2018, l’UE a déclaré : « Airbnb doit clairement identifier si l’offre est faite par un hôte privé ou un professionnel, car les règles de protection des consommateurs sont différentes. »

Pour l’UE, les entreprises doivent offrir plus de protections aux consommateurs que les particuliers.

En pratique, chez Rental Scale-Up, nous avons constaté peu de différence dans la façon dont les hôtes sont traités. De plus, si vous êtes un propriétaire particulier, il est parfois difficile de savoir s’il faut se déclarer comme hôte privé ou professionnel. Il est aussi difficile de savoir si les voyageurs prennent en compte cette indication au moment de réserver.

Les promotions et remises doivent être réelles, c’est-à-dire basées sur le prix le plus bas des 30 derniers jours pour la même annonce (depuis 2022)

Airbnb custom promotion tool

Le PDG d’Airbnb, Brian Chesky, a annoncé que de nouveaux outils de remise seraient mis à disposition des hôtes début 2023 dans le cadre de l’Affichage du Prix Total et la suppression des frais cachés. Selon l’UE, les remises doivent être « réelles », c’est-à-dire que le nouveau tarif doit être inférieur au tarif le plus bas pratiqué au cours des 30 derniers jours. Ainsi, le nouvel outil d’Airbnb devra appliquer ou recommander ces protections au consommateur.

À quoi ressembleront les nouveaux outils de tarification et de remise d’Airbnb et pourquoi la législation européenne aura-t-elle un impact ?

En 2020, Airbnb a lancé des outils de remise et de mise en avant pour les hôtes. Par exemple, lorsqu’un hôte utilisait les outils de promotion personnalisée Airbnb pour appliquer une remise de 10 à 14 %, son annonce bénéficiait d’une présentation barrée du prix dans les résultats de recherche ainsi que d’une nouvelle ligne indiquant l’opération dans le détail du tarif. Les « nouveaux » et « anciens » prix affichés doivent respecter la réglementation européenne.

Depuis le 28 mai 2022, les plateformes telles que Booking, Airbnb et Vrbo doivent répondre aux exigences de la Directive Omnibus de l’UE, qui s’inscrit dans la New Deal for EU Consumers Initiative. Cette directive vise à moderniser, compléter et consolider le droit européen de la consommation existant. 

Voici, par exemple, ce que Booking.com communique à ses hôtes :

« Lorsque vous proposez une réduction sur une combinaison chambre/tarif spécifique, le tarif de base pour cette même combinaison doit être le tarif le plus bas proposé au cours des 30 derniers jours. Le tarif de base est le tarif sur lequel la remise sera appliquée – il apparaîtra sous forme de prix barré pour les clients sur notre plateforme. À partir du 28 mai 2022, vous devrez vérifier que vous respectez les critères énoncés ci-dessus lorsque vous offrez des remises sur Booking.com ».

La réglementation européenne peut aussi aider les plateformes de location de courte durée à opérer sur le marché commun (ex. : partage de données, registre unique des hôtes)

european union short-term rental regulation directive

Comme aux États-Unis, les réglementations, plafonds, interdictions et autres restrictions concernant la location de courte durée varient d’une ville à l’autre, d’un État/pays à l’autre en Europe.

Si vous êtes un grand acteur comme Airbnb ou Booking.com, vous disposez peut-être de fonds suffisants pour payer des avocats partout en Europe afin d’identifier, comprendre et appliquer chaque règle municipale, régionale ou nationale. Mais pour une plus petite entreprise, opérer à travers autant de juridictions et de réglementations différentes peut s’avérer trop coûteux ou risqué. 

En octobre 2021, nous avons traité pour la première fois l’Initiative européenne sur la location de courte durée. L’UE a reconnu qu’« à travers l’Europe, les acteurs du marché de la location de courte durée sont soumis à une grande variété d’exigences réglementaires, bien souvent lourdes, généralement adoptées au niveau local, ce qui peut constituer des barrières à l’entrée sur le marché et compliquer le développement de l’activité, en particulier pour les PME ».

La Commission européenne souhaite simplifier les démarches pour les plateformes, hôtes et autorités locales grâce à sa nouvelle proposition de règlement, présentée le 2 novembre 2022. L’objectif est « d’accroître la transparence dans le secteur de l’hébergement de courte durée et d’aider les pouvoirs publics à garantir leur développement équilibré dans le cadre d’un tourisme durable ».

european short-term rental directive

Le nouveau cadre réglementaire proposé permettra de :

Créer un registre unique des hôtes à l’échelle de l’UE

La réglementation harmonisera les exigences d’enregistrement pour les hôtes et leurs biens mis en location de courte durée lorsque l’enregistrement est requis par les autorités nationales : les démarches devront être entièrement en ligne et simples d’utilisation. Un ensemble identique de données pertinentes sur les hôtes et leurs biens — le « qui », « quoi » et « où » — sera requis. À la fin du processus, les hôtes recevront un numéro d’enregistrement unique.

Clarifier les règles pour garantir l’affichage des numéros d’enregistrement sur les plateformes

Les plateformes en ligne devront permettre aux hôtes d’afficher leur numéro d’enregistrement sur leurs plateformes. Elles devront également vérifier de façon aléatoire les enregistrements et l’exactitude des numéros affichés. Les autorités publiques pourront suspendre des numéros d’enregistrement et demander le déréférencement des hôtes ne respectant pas la réglementation.

Simplifier le partage de données entre plateformes en ligne et autorités publiques

Les plateformes devront communiquer chaque mois, de façon automatisée, aux autorités publiques, des données sur le nombre de nuitées louées et d’hôtes accueillis. Pour les petites plateformes, des modalités de déclaration allégées sont prévues. Les autorités publiques pourront recevoir ces données via un « guichet numérique unique » national. Cette démarche favorisera la création de politiques publiques ciblées.

Permettre la réutilisation de données sous forme agrégée :

Les données collectées dans le cadre de cette proposition contribueront, sous forme agrégée, aux statistiques touristiques d’Eurostat et alimenteront le futur espace européen de données sur le tourisme. Ces informations aideront au développement de services innovants liés au tourisme.

Mettre en place un cadre d’application efficace :

Les États membres surveilleront la mise en œuvre de cette réglementation sur la transparence et mettront en place les sanctions adéquates en cas de non-respect.

Ainsi, trois ans après que l’Union européenne a forcé Airbnb à afficher un prix réellement « tout compris » lors des recherches sur sa plateforme, la même évolution se produit désormais aux États-Unis. Ici, c’est la pression des réseaux sociaux qui a joué ce rôle, non une entité supranationale. Certaines règles mises en place en Europe par Airbnb et d’autres plateformes de réservation de locations de vacances s’appliqueront-elles aussi un jour aux États-Unis ?