Le gouvernement britannique a récemment annoncé d’importantes modifications législatives visant à trouver un équilibre entre la préservation de l’offre de logements pour les résidents et le soutien au secteur touristique florissant. L’impact de ces réglementations sur la dynamique de l’offre et de la demande des locations de courte durée, ainsi que sur leur rentabilité et la planification opérationnelle des gestionnaires de location, ne saurait être surestimé.
Le débat entre les hôtels et les locations de courte durée a été relancé et dépasse désormais les frontières du Royaume-Uni. Au fil de son évolution, il apparaît clairement que l’équilibre entre les offres d’hospitalité et la disponibilité des logements est plus crucial que jamais, nécessitant une compréhension nuancée et des stratégies adaptatives de la part des acteurs de tout le secteur.
Nouvelles réglementations sur les locations de courte durée au Royaume-Uni en vigueur à l’été 2024
Aperçu de la nouvelle législation
- Obligation d’obtenir un permis d’urbanisme : les biens loués plus de 90 jours par an devront désormais obtenir un permis d’urbanisme. Cette mesure vise à garantir que les logements destinés à un usage résidentiel à long terme ne sont pas convertis en locations de courte durée de façon permanente sans contrôle.
- Registre national obligatoire : un élément clé du nouveau dispositif est la mise en place d’un registre obligatoire pour les locations de courte durée. Cela permettra aux autorités locales de surveiller efficacement la conformité et de disposer d’un décompte précis des biens opérant dans ce secteur.
- Exemptions pour les locations existantes : les biens déjà utilisés pour des locations de courte durée avant l’introduction de ces règles seront automatiquement reclassés dans la nouvelle catégorie d’usage, les exemptant ainsi de la demande de permis d’urbanisme.
Implications pour les propriétaires et sociétés de gestion de locations de courte durée
Impact sur la demande et l’offre
- Réduction potentielle des annonces disponibles : l’obligation d’obtenir un permis d’urbanisme pourrait dissuader certains propriétaires d’entrer sur le marché de la location de courte durée, entraînant une diminution du nombre d’annonces disponibles.
- Contrôle accru et coûts de mise en conformité : la création d’un registre obligatoire introduit des exigences de conformité supplémentaires, pouvant augmenter les coûts opérationnels pour les propriétaires et gestionnaires.
Considérations sur la rentabilité
- Impact variable sur les revenus : dans les zones à forte demande touristique, les propriétés disposant du permis d’urbanisme pourraient atteindre des prix plus élevés en raison de la baisse de la concurrence. À l’inverse, la charge administrative accrue pourrait réduire les marges bénéficiaires de certains opérateurs.
- Stabilisation du marché à long terme : en s’attaquant à la pénurie de logements et en limitant la conversion de propriétés résidentielles en locations de vacances, ces réglementations pourraient contribuer à stabiliser le marché immobilier, bénéficiant indirectement au secteur de la location de courte durée grâce au maintien du soutien communautaire pour le tourisme.
Planification opérationnelle et stratégie
- Évaluation stratégique et adaptation : les propriétaires et sociétés de gestion doivent évaluer la viabilité de l’obtention de permis d’urbanisme pour les biens potentiels et existants, en tenant compte de facteurs tels que l’emplacement, la demande et les politiques locales.
- Mise en conformité et engagement communautaire : le respect des nouvelles réglementations et l’entretien de relations positives avec les communautés locales seront essentiels pour des opérations durables.
Comparaison avec les homologues européens
L’approche britannique reflète des efforts réglementaires similaires dans des villes comme Vienne, Paris ou Berlin, où des restrictions sur les locations de courte durée ont été mises en place afin de lutter contre la pénurie de logements et d’éviter que des propriétés restent vacantes. Ces précédents suggèrent une tendance vers un marché de la location de courte durée plus encadré, avec des implications sur l’accessibilité au logement et la préservation des communautés.
À travers l’Europe, différentes villes et pays ont introduit des réglementations qui, bien que partageant des objectifs communs, diffèrent dans leurs modalités :
Vienne, Autriche
- Limite de location de 90 jours : à partir de juillet cette année, les biens pourront être loués à des touristes pour un maximum de 90 jours par an.
- Objectif : limiter l’impact des locations de courte durée sur le marché immobilier local et garantir l’accès au logement pour les résidents.
Paris, France
- Plafond de 120 jours de location : Paris a instauré une limite annuelle de 120 jours pour les locations de courte durée.
- Obligation d’enregistrement : les hôtes doivent s’enregistrer auprès de leur mairie pour pouvoir exercer légalement.
Berlin, Allemagne
- Permis et limite de 90 jours : après une interdiction initiale d’Airbnb, Berlin impose désormais aux hôtes d’obtenir un permis et limite les locations à 90 jours par an.
- Objectif : équilibrer les besoins des touristes et des résidents, évitant que le stock de logements ne soit alloué entièrement au tourisme.
Italie
- Considérations nationales : l’Italie envisage d’instaurer des limites aux locations touristiques afin d’endiguer la prolifération des locations de courte durée dans le pays.
Pays de Galles, Royaume-Uni
- Enregistrement statutaire et licence : annoncé par le Vice-Ministre des Arts, des Sports et du Tourisme, ce dispositif comprend :
- Phase 1 : un système d’enregistrement obligatoire pour tous les fournisseurs d’hébergement.
- Phase 2 : un système de licence axé d’abord sur la conformité en matière de sécurité.
- Objectif : s’atteler à l’impact des résidences secondaires et des locations de vacances sur l’accessibilité au logement local.
Union européenne (UE)
Éléments clés de l’initiative STR en attente :
- Système unifié d’enregistrement en ligne : au cœur des efforts de l’UE se trouve la création d’un système unifié d’enregistrement en ligne destiné à alléger considérablement la charge administrative des hôtes STR. Ce dispositif vise à simplifier le processus d’enregistrement, le rendant plus accessible aux hôtes tout en permettant aux autorités de vérifier et contrôler efficacement.
- Renforcement du partage d’informations par les OTA : un point clé du nouveau cadre réglementaire est l’obligation pour les agences de voyages en ligne (OTA), dont Airbnb, Booking.com et Vrbo, de transmettre aux autorités les informations détaillées sur les annonces. Cette mesure vise à renforcer la transparence à tous les niveaux en garantissant le respect de la réglementation en vigueur.
- Conséquences sur la TVA : dans l’optique d’aligner le secteur STR sur les politiques fiscales globales, l’UE a également prévu que les activités de location relèveront de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dès janvier 2025. Cet ajustement vise à garantir une concurrence loyale au sein du secteur de l’hébergement et à encourager la responsabilité fiscale.
Réaction d’Airbnb à la nouvelle réglementation :
Airbnb a récemment publié une déclaration enthousiaste accueillant favorablement le vote du Parlement européen sur la nouvelle réglementation européenne concernant les locations de courte durée. L’entreprise salue la clarté, la simplicité et l’accessibilité du règlement, qui devraient bénéficier aux hôtes en leur fournissant informations et conseils nécessaires pour se conformer aisément aux lois locales. De plus, la réglementation favorise un partage de données plus fluide entre plateformes et autorités, permettant ainsi d’appliquer des règles équitables et proportionnées. Ce développement devrait faciliter l’enregistrement des hôtes auprès de leurs autorités locales et leur conformité aux lois établies.
Implications pour les propriétaires et sociétés de gestion au Royaume-Uni
Alors que ces réglementations prennent forme, il est essentiel pour les parties prenantes britanniques de se préparer à leurs impacts :
- Adaptation aux exigences d’enregistrement et de licence : comprendre et respecter les différents systèmes d’enregistrement et de licence en Europe sera indispensable.
- Ajustements opérationnels face aux plafonds de location : il sera peut-être nécessaire de revoir sa stratégie face aux limites imposées, ce qui aura une incidence sur la tarification, la disponibilité et les démarches commerciales.
- Engagement avec les nouveaux systèmes de conformité : le futur système d’enregistrement à l’échelle européenne exigera l’utilisation de nouvelles plateformes numériques conçues pour simplifier le respect des obligations réglementaires.
L’escalade du bras de fer : locations de courte durée vs hôtels
Naviguer dans le labyrinthe réglementaire : plaidoyer pour l’équité
Le paysage des locations de courte durée (STR) au Royaume-Uni, en Europe et au-delà vit une ère de transformation, marquée par l’évolution de cadres réglementaires qui suscitent à la fois attentes et préoccupations parmi les acteurs du secteur.
Au cœur de cette transformation, un débat s’intensifie sur l’impact des dispositifs d’enregistrement et des mesures réglementaires sur le secteur STR, en comparaison avec les hôtels traditionnels. Ce débat fait ressortir un enjeu clé : le sentiment d’un déséquilibre réglementaire qui menacerait l’efficacité opérationnelle et la rentabilité des STR, soulevant des questions sur la concurrence loyale et la durabilité à long terme du secteur.
L’énigme des dispositifs d’enregistrement
Andy Fenner, directeur général de la Short Term Accommodation Association (STAA), exprime une critique marquante des récents développements réglementaires, en particulier la mise en place des dispositifs d’enregistrement : « Cela fait des années que nous appelons de nos vœux un système d’enregistrement, alors c’est décevant que, lorsqu’il arrive enfin, il ne réponde absolument pas aux défis auxquels le pays est confronté », relève Fenner. Il imagine ces dispositifs comme un levier pour renforcer le tourisme en intégrant tous les types d’hébergement, plutôt que d’être au mieux « une solution partielle ». Le point de vue de Fenner met en lumière une occasion manquée de tirer pleinement parti du potentiel du tourisme pour soutenir la planification locale et la prise de décision.
Combattre les idées reçues : le secteur STR en quête de reconnaissance
La perception de l’activité de location de vacances comme le « mouton noir » du tourisme est un point de discorde majeur. Fenner exprime la frustration ressentie par de nombreux membres de la communauté STR, qui se considèrent injustement stigmatisés, éclipsés par les hôtels et rendus responsables des problèmes liés à l’offre et à l’accessibilité au logement.
Ce sentiment souligne la nécessité d’une compréhension nuancée des défis auxquels sont confrontés secteurs du logement et du tourisme. S’il est crucial de reconnaître que les locations de courte durée jouent un rôle dans l’écosystème global, imputer l’ensemble des problèmes systémiques aux STR est une simplification excessive tenant peu compte de la complexité des facteurs en jeu, comme les politiques de construction ou les objectifs en matière de logement.
Il est essentiel que les parties prenantes adoptent une approche équilibrée, tenant compte des apports et impacts de tous les acteurs du secteur de l’hébergement, y compris les STR, afin de développer des stratégies équitables et efficaces pour une croissance durable et l’accessibilité au logement.
Le débat transatlantique : l’influence du « lobby hôtelier »
Le débat réglementaire prend une dimension similaire aux États-Unis, où le « lobby hôtelier », notamment l’American Hotel & Lodging Association, est critiqué pour son rôle influent dans la promotion de réglementations qui pénalisent de façon disproportionnée les STR. Le PDG d’Airbnb, Brian Chesky, attire l’attention sur ce phénomène, notamment à travers des mesures comme la Local Law 18 de New York, qui a considérablement réduit l’offre de STR dans la ville. Les propos de Chesky soulignent le besoin d’une réglementation équilibrée tenant compte des intérêts de tous les acteurs de l’écosystème de l’hébergement, mettant en avant la complexité de l’environnement réglementaire du marché.
Par ailleurs, l’application de la Local Law 18 a apporté la preuve tangible des effets d’un déséquilibre réglementaire, Airbnb ayant rapporté une envolée des prix des hôtels à des niveaux records. Cette hausse, attribuée à la diminution de la disponibilité des STR, montre comment une action réglementaire peut renforcer un segment du marché de l’hébergement au détriment d’un autre. Un rapport immobilier JLL corrobore cette analyse, estimant à 380 millions de dollars l’augmentation des revenus pour les hôtels new-yorkais, conséquence directe de ces changements réglementaires.
Impact réglementaire sur la dynamique du marché des locations de courte durée : focus sur la fluctuation de la demande
Les mesures réglementaires influent non seulement sur le paysage de l’offre de locations de courte durée, mais modifient également de façon significative la dynamique de la demande. L’exemple le plus marquant est celui de la revue de marché de janvier 2024 d’AirDNA, qui met en lumière l’impact important d’une régulation stricte sur les STR, notamment à New York. Ce cas illustre comment l’environnement réglementaire local peut bouleverser la réalité et la perception de la demande dans le secteur de la location de courte durée.
L’effet New York sur les indicateurs nationaux de la demande
L’application rigoureuse de sa réglementation sur les STR par New York a eu un effet domino notable sur le marché national de la location de courte durée. Selon l’analyse d’AirDNA, si l’on exclut les chiffres de New York du total américain, le taux de croissance annuel (YOY) de la demande passe de 1,3 % à 2,1%. Ce réajustement met en évidence l’importance du poids du marché new-yorkais dans les statistiques nationales et montre comment l’action locale peut fausser la perception générale du marché.
Dynamique urbaine vs non urbaine de la demande

De même, le rapport d’AirDNA indique un affaiblissement de la demande sur l’ensemble des zones aux États-Unis. Mais si l’on retire New York de l’équation, l’évolution annuelle de la demande pour les secteurs urbains passe d’une baisse de -3,4% à une hausse de +2,2% YOY. Ce contraste frappant démontre l’influence disproportionnée de l’environnement réglementaire new-yorkais sur la perception de la vitalité des marchés urbains de la location de courte durée à l’échelle nationale.
Ce constat souligne la nécessité d’une approche nuancée de l’analyse de marché.
Appel à des mesures justes et durables
Le débat opposant STR et hôtels reflète les défis majeurs auxquels est confronté le secteur, marqué par des appels à une réglementation équitable et à la reconnaissance des STR comme composante légitime et précieuse de l’industrie du tourisme. À mesure que les parties prenantes évoluent dans cet environnement complexe, l’objectif demeure : établir un cadre réglementaire favorisant l’équité, encourageant une croissance durable et assurant la viabilité à long terme des STR et des hôtels traditionnels. Cette quête d’équilibre et de reconnaissance exige un engagement collectif, un dialogue éclairé et la volonté de répondre aux besoins et préoccupations de toutes les parties prenantes.
Uvika Wahi est rédactrice chez RSU by PriceLabs, où elle dirige la couverture de l’actualité et l’analyse destinées aux gestionnaires professionnels de locations saisonnières. Elle écrit sur Airbnb, Booking.com, Vrbo, la réglementation et les tendances du secteur, aidant les gestionnaires à prendre des décisions éclairées. Uvika intervient également lors d’événements internationaux majeurs tels que SCALE, VITUR et le Direct Booking Success Summit.




