Avec une population de 1,366 milliard (2019), l’Inde représente une part importante de la population mondiale, incluant, on le suppose, de nombreux voyageurs. Pourtant, elle est souvent absente des discussions sur les tendances du secteur. Nous avons récemment étudié l’état du marché Asie-Pacifique pour mettre en lumière l’impact de la pandémie sur cette région. L’année dernière, nous avons organisé une conférence sur ce sujet et avons également interviewé Jack Eden d’Eden Villas au Sri Lanka dans le cadre de cet événement.
Pour obtenir une vision d’initié sur le marché indien de la location de vacances et découvrir les tendances récentes, nous avons discuté avec Rohit Taparia. Rohit était Vice-Président chez Lohono Stays by Isprava, une entreprise de location de villas en Inde. Lohono Stays repère des villas de luxe en Inde, les gère et les propose aux voyageurs pour des séjours courts ou plus longs.

« L’Inde est un pays où, historiquement, 99 % des gens voyageaient dans des hôtels », précise Rohit. Il explique que, traditionnellement, le voyageur indien a opté pour l’hôtel comme hébergement, choisissant entre de grandes chaînes hôtelières (principalement internationales) pour les voyages d’affaires et de petits hôtels boutique pour les loisirs.
Cependant, la location de villas a commencé à prendre de l’ampleur de manière régulière ces 5 à 6 dernières années.
L’idée du self-service peine à s’imposer

Rohit fait partie du secteur du voyage indien depuis plusieurs années, avec un profil entrepreneurial, et fut témoin des débuts difficiles d’Airbnb pour atteindre en Inde le même niveau de succès qu’ailleurs. Dans la vidéo, Rohit souligne que les voyageurs indiens n’adhèrent pas entièrement au concept d’auto-service — ce qu’ils partagent avec de nombreuses autres cultures d’Asie du Sud-Est. Pendant les vacances, les clients s’attendent à ne pas avoir à s’occuper de tâches ménagères qui pourraient nuire à leur état d’esprit de détente. Les entreprises de location de vacances doivent être conscientes de cette attente et l’intégrer à leur offre pour réussir sur le marché.
Dans le segment du luxe, en plus de Lohono Stays, Rohit cite Vista Rooms et Saffron Stays comme exemples d’acteurs incontournables sur le marché indien de la location de vacances.
Les grands marchés exigent de grands changements
Les attentes très différentes des clients font que même les marques internationales doivent adapter leur modèle d’affaires pour coller au contexte local. OYO en est un excellent exemple. En Europe, OYO est connu pour OYO Vacation Homes, qui regroupe les locations de Belvilla, DanCenter et TUI Ferienhaus. Comme l’explique Rohit dans la vidéo, cela contraste avec leur positionnement et image en Inde, où OYO est perçu comme un fournisseur d’hébergement hôtelier à bas prix.
Il est aussi fascinant de voir à quel point la reprise du secteur en Inde prend une forme différente à la lumière de la pandémie. Retrouvez ci-dessous des questions sur ce sujet et des données d’actualité. Vous pouvez également regarder la version vidéo ici :
Alors que la situation s’aggrave en Inde, les gens évitent tout déplacement. Le tourisme est quasiment inexistant – à quoi peut-on s’attendre dans les mois à venir ?
- Le marché du voyage et du tourisme est dynamique et évolue depuis un certain temps déjà.
- Nous devons analyser le secteur activité par activité : (1) Les voyages d’affaires/hôtels sont les plus touchés car les déplacements professionnels ont fortement diminué, notamment en raison de la technologie ; (2) Les lieux expérientiels/hôtels boutique subissent l’impact des confinements imposés par le gouvernement, mais la demande était à la hausse avant le COVID et elle a encore progressé depuis le début de la pandémie ; (3) Les villas/hébergements alternatifs suivent une tendance similaire aux lieux expérientiels — sur le long terme, cela deviendra sans doute le choix privilégié pour les voyages de groupe (la demande a fait grimper le taux d’occupation à 85-90 % dans certains cas, avec une montée des ARR également).
- Les grands médias publient de plus en plus sur les hébergements alternatifs, suivant la tendance actuelle. Conde Nast a récemment publié un article sur les 50 meilleures villas en Inde, un article sur lequel ils ont travaillé plus de 3 mois. Note : 9 villas Lohono ont été présentées dans cet article bien que nous n’ayons que 4 emplacements aujourd’hui.
- Les grands agents de voyage et OTA modifient leur interface pour mettre en avant l’hébergement alternatif, en fonction des données et des tendances consommateurs.
Une partie du marché indien souhaite s’éloigner des hôtels. Comment les homestays et locations en Inde saisissent-ils cette opportunité ?

- Il s’agit d’une tendance mondiale : les villas deviennent le secteur de prédilection pour les voyages de groupe. Seul le niveau de service varie selon les pays. En Inde et dans la plupart des pays d’Asie, un haut niveau de service et de personnel est proposé car c’est ce à quoi les clients sont habitués.
- Pour les petits groupes, à court terme, les villas ou destinations plus privées seront plébiscitées pour des raisons de sécurité.
- Sur le long terme, les hôtels resteront adaptés aux voyages d’affaires, tandis que les villas et lieux expérientiels fonctionneront mieux pour les séjours loisirs/vacances.
- Il est également important d’adopter une approche dynamique face aux tendances en général. Par exemple, lors de la première vague de COVID, chez Lohono nous avons adapté nos maisons à un nouvel usage — le télétravail. Nous avons installé un meilleur wifi, renforcé les protocoles de sécurité/COVID selon les normes OMS/CDC, proposé des tarifs réduits pour les longs séjours et optimisé l’occupation pour atteindre nos objectifs RevPAR. De même, nous anticipons que nos villas seront sollicitées pour de petits événements/mariages (50-150 personnes selon les lieux), et nous introduisons des offres événementielles spécifiques à certaines villas. Il faut donc s’adapter à la demande client, tant que cela a du sens économiquement.
L’Inde est un marché très sensible au prix. Comment le secteur des locations courte durée peut-il s’y développer au mieux ?

- Il faut garder à l’esprit que l’Inde est un très grand pays avec plus de 1,4 milliard d’habitants.
- 80 % de la richesse indienne est détenue par 10 % de la population (~140 millions de personnes), qui perçoivent 56 % du revenu annuel du pays. Il faudrait évidemment une répartition plus équitable, mais c’est la réalité aujourd’hui.
- Le revenu par habitant en Inde en 2019 était de 2 100 USD (~7 000 USD en PPA), et il progresse de 5 à 10 % par an. Les 10 % les plus riches ont sans doute un revenu par habitant de ~12 000 USD (~40 000 USD en PPA) en moyenne. Cela fait tout de même un très grand nombre de personnes ayant une forte capacité de dépense.
- De plus, la tendance chez les jeunes générations est davantage à l’expérience et à la création de souvenirs plutôt qu’à l’épargne seulement (épargner reste important, mais les gens veulent profiter de leur vie de plus en plus aujourd’hui).
- Pour autant, le marché indien offre des choix adaptés à tous : hôtels/expériences à 10-15 USD/nuit (ARR) avec service limité jusqu’à des expériences à 1 500 USD/nuit (ARR) et service majordome inclus… et au-delà.
Comment les homestays et les locations courtes sont-ils représentés ? Quelle gestion de la part des autorités indiennes ?
- Les homestays sont actuellement réglementés par chaque État en Inde. On doit demander et obtenir des certificats de non-objection (NOC) auprès de divers départements – incendie, santé, sécurité, etc. – puis demander les agréments ‘B&B’ aux autorités d’État en s’appuyant sur ces NOC. L’alcool est contrôlé par le département des excises, la nourriture relève de la Food Safety & Standards Authority of India (FSSAI).
- Les hôtels aussi doivent obtenir des agréments auprès des autorités locales, mais ils sont régis par la FHRAI (Fédération des associations hôtelières et de restauration d’Inde).
- Les homestays étant une notion très récente, nous essayons de collaborer avec les autorités pour aider à créer des réglementations spécifiques et adaptées à leur fonctionnement, qui diffère de celui des hôtels.
Un grand marché qui se tourne de plus en plus vers la location de vacances
Cette interview montre que l’Inde vit elle aussi ce tournant mondial vers les séjours en location de vacances pour les voyages en groupe (ou en famille), même si le rythme est différent. C’est un marché divers, avec des capacités de dépense variées. Sa taille en fait un cas unique dans son évolution, mais les acteurs du secteur déploient beaucoup d’efforts pour s’adapter aux attentes changeantes des consommateurs. Il sera intéressant de voir comment l’essor des locations de vacances va s’accélérer et si la frontière entre voyages d’affaires et de loisirs redevient aussi marquée qu’avant la pandémie.
Rohit met maintenant à profit sa grande expertise et son regard affûté pour chercher de nouvelles opportunités, en Inde ou ailleurs. Le meilleur moyen de le joindre est via LinkedIn.
Uvika Wahi est rédactrice chez RSU by PriceLabs, où elle dirige la couverture de l’actualité et l’analyse destinées aux gestionnaires professionnels de locations saisonnières. Elle écrit sur Airbnb, Booking.com, Vrbo, la réglementation et les tendances du secteur, aidant les gestionnaires à prendre des décisions éclairées. Uvika intervient également lors d’événements internationaux majeurs tels que SCALE, VITUR et le Direct Booking Success Summit.




