Qu’est-ce qui a fait grimper l’action de Vacasa de plus de 30 % à la mi-août 2022 ? En juin dernier, nous avions rapporté comment les actions de Sonder, Airbnb et Vacasa avaient chuté jusqu’à -80 % au cours des 6 mois précédents. Examinons le cas de Vacasa pour voir ce qui a changé. Tout comme Airbnb, Vacasa a présenté de solides résultats au deuxième trimestre 2022. L’entreprise opère une transition de sa stratégie purement axée sur les fusions-acquisitions (elle a acquis plus de 200 sociétés de gestion de locations de vacances au fil des ans) vers un modèle équilibré qui privilégie également les signatures directes de contrats avec des propriétaires individuels. Non seulement Vacasa affiche une image positive sur les volets demande et offre, mais l’entreprise croit également pouvoir être rentable… l’année prochaine. Vacasa déclare être « confiante dans sa capacité à trouver un équilibre approprié entre la croissance et la rentabilité et continue de s’attendre à atteindre la rentabilité sur la base de l’EBITDA ajusté pour l’ensemble de l’année 2023 ».
Vacasa, une action en rebond
Dès que Vacasa a publié ses résultats pour le deuxième trimestre 2022 le 10 août, son action a bondi de plus de 30 %.
Cours de l’action
Cette hausse s’inscrit alors que le Nasdaq était globalement en progression. Airbnb et Sonder ont également publié de bons résultats et rebondi. Pourtant, le rebond de Vacasa a été le plus spectaculaire après l’annonce de ses résultats. Nous verrons plus loin que l’entreprise souhaite se distinguer d’acteurs comme Sonder, dont le cours reste beaucoup plus déprimé que celui de Vacasa.
Voici l’évolution de leurs actions au cours des 9 derniers mois :
- L’indice composite NASDAQ (en vert) est en baisse de -18 %
- Booking Holdings (en bleu foncé) baisse de -9 %, surperformant le NASDAQ
- Airbnb (en rose) recule de -38 %
- Vacasa (en noir) baisse de -43 %
- Sonder (en bleu clair) chute de -74 %
Grâce à son rebond d’août, le cours de Vacasa est désormais plus proche de celui d’Airbnb que de Sonder.
Les finances du T2 étaient bonnes. Vacasa a affiché un bénéfice pour le T2 2022 et dit être en bonne voie pour une rentabilité en EBITDA ajusté sur l’ensemble de 2023.
Rappel : De quoi sont constitués les revenus de Vacasa ?
Le modèle de Vacasa est celui d’une société classique de gestion de locations de vacances. Ses revenus proviennent principalement des commissions sur les loyers générés pour les propriétaires et des frais facturés aux voyageurs. Ces revenus ont atteint 310 millions de dollars au deuxième trimestre, soit une hausse de 31 % par rapport au T2 2021.
Tout comme chez Airbnb, Vacasa a bénéficié d’une forte demande continue pour les locations de vacances au deuxième trimestre. Le chiffre d’affaires important est le résultat d’un taux d’occupation élevé et d’un ADR (prix moyen à la nuitée) élevé. Le troisième trimestre devrait être tout aussi brillant, tandis que l’impact de l’inflation élevée, de l’incertitude liée à la récession et des tendances saisonnières de basse saison pourraient faire baisser à la fois l’occupation et l’ADR au quatrième trimestre.
Sur le plan financier, Vacasa a réussi à dégager un bénéfice net de 10 millions de dollars, tandis que l’EBITDA ajusté était négatif de 2 millions de dollars.
Vacasa peut-elle développer son offre de façon organique, sans racheter d’autres sociétés de gestion ?
Vacasa a été confrontée à plusieurs incertitudes :
- L’entreprise n’a jamais été rentable. Peut-elle vraiment dégager des bénéfices ?
- L’entreprise est présente dans 400 destinations. Comment peut-elle coordonner efficacement ces marchés ? Y a-t-il réellement des économies d’échelle dans un secteur résolument local ?
- L’entreprise a surtout grandi grâce à l’acquisition d’autres sociétés de gestion, notamment de grands groupes comme Wyndham et Turnkey. Peut-elle croître de façon organique en signant directement avec des propriétaires de locations de vacances ?
La stratégie d’offre de Vacasa
Concentrons-nous ici sur la croissance organique. La stratégie de Vacasa consiste à devenir une force dominante sur les marchés clés en acquérant une large part de l’offre. Elle peut ainsi devenir un faiseur de prix capable d’influencer les tarifs locaux et d’obtenir un bon retour sur investissement des campagnes de génération de demande.
Selon la diapositive ci-dessous, Vacasa dispose de deux principaux axes de croissance de l’offre :
- Individuel, c’est-à-dire cibler les propriétaires, ce qui « représente 3/4 des nouvelles offres »
- Portefeuille, c’est-à-dire acquérir des gestionnaires locaux, ce qui « représente 1/4 des nouvelles offres ».
Vacasa a acquis plus de 200 sociétés de gestion immobilière tout au long de son existence. Pourtant, s’adresser aux propriétaires dans chacun des marchés que l’entreprise souhaite dominer peut s’avérer délicat.
Moins d’acquisitions et plus d’inscriptions directes de propriétaires
L’entreprise affirme avoir su se détacher d’une approche uniquement axée sur les fusions-acquisitions :
« Notre approche individuelle, qui repose sur un modèle de vente directe où, principalement, des représentants locaux signent avec des propriétaires individuels, continue de représenter la majorité de nos nouveaux ajouts de maisons. »
« Nous avons réalisé des progrès substantiels en matière d’ajout de maisons au cours du deuxième trimestre et restons en bonne voie pour accroître notre parc sous gestion d’environ 30 % en 2022. »
Pour ce faire, l’entreprise doit notamment :
- utiliser les données pour trouver des prospects (ex : transactions immobilières, permis de location de vacances),
- mener des campagnes multicanales ciblées (des pubs Facebook aux cartes envoyées par courrier aux propriétaires),
- recruter des commerciaux pour conclure des accords avec ces propriétaires.
L’entreprise s’appuie également sur les forces de vente des sociétés de gestion acquises pour signer davantage de propriétaires locaux.
Passer de l’acquisition de gestionnaires de biens à l’ajout de locations individuelles signifie passer d’une stratégie purement M&A à une stratégie largement fondée sur le marketing et la vente. Vacasa affirme avoir musclé cette compétence, qui nécessite à la fois des effectifs importants et une bonne plateforme CRM (à noter que l’entreprise a mentionné avoir rencontré des problèmes avec ses outils CRM au premier semestre 2022).
Voici comment Vacasa évoque ces coûts :
Les dépenses commerciales et marketing ont augmenté de 58 % d’une année sur l’autre, principalement à cause de notre effectif commercial beaucoup plus important par rapport à l’année précédente, mais aussi d’un investissement publicitaire ciblé sur les propriétaires pour générer plus de prospects pour notre équipe commerciale élargie.
Dans son document investisseurs 2021, Vacasa montrait qu’un facteur clé de réussite de cette stratégie est son ratio LTV / CAC, à savoir la valeur vie client (LTV) générée par une propriété sur le coût d’acquisition client (CAC), c’est-à-dire le coût pour acquérir et intégrer un nouveau bien.
Dans sa présentation initiale, Vacasa affichait un ratio LTV/CAC de 4,3. Lors de la présentation de ses résultats du T2 2022, la société précisait que ce ratio avait été au-dessus de son objectif de 4 à 5 sur les 12 derniers mois glissants, ce qui est positif. Leur CAC est resté stable, mais une valeur vie client en hausse a permis d’obtenir un meilleur ratio.
Moins de mouvements sur le volet M&A
Pendant le deuxième trimestre, Vacasa a racheté les biens de 16 nouvelles sociétés de location de vacances, pour une valeur totale de 74 millions de dollars, soit environ 4,6 millions par acquisition.
L’entreprise précise qu’elle dép ensera encore moins pour de nouvelles acquisitions au second semestre 2022. Ses dirigeants veulent démontrer que la stratégie M&A aboutit in fine à plus d’inscriptions de propriétaires en direct :
Nous appliquons cette approche de manière disciplinée, notre cadrage cible et d’évaluation étant informé par notre vaste expérience avec cette stratégie exécutée plus de 200 fois. Le programme portefeuille est une stratégie très puissante qui nous permet d’entrer sur de nouveaux marchés de façon rentable et, surtout, de débloquer des opportunités substantielles pour notre approche individuelle.
Comment Vacasa perçoit-elle l’impact d’une récession sur son modèle ?
Premièrement, Vacasa souhaite se distinguer du modèle d’affaires de Sonder (baux), qu’elle juge moins résilient en cas de récession :
Notre modèle génère des revenus en prélevant une commission sur les loyers générés pour nos propriétaires et en facturant des frais aux voyageurs. Il ne repose pas sur la location de maisons de vacances. Contrairement à d’autres modèles de l’hébergement alternatif, nous ne dépendons pas des baux pour ajouter des maisons sur notre plateforme.
Deuxièmement, l’entreprise a insisté sur la résilience de la demande de locations de vacances (même si l’ADR, lui, peut être affecté). Grâce à sa couverture étendue de destinations et de types de biens, que ce soit en zones accessibles en voiture ou en avion, l’entreprise pense pouvoir capter les changements de comportement des voyageurs.
« Si un consommateur de la côte Est décide de ne pas descendre en Floride pour ses vacances d’été, aucun problème. Il peut revoir ses exigences et choisir une maison à quelques heures de chez lui. Une maison de vacances reste une option moins coûteuse. On peut même cuisiner sur place plutôt que d’aller au restaurant en famille. »
L’entreprise reste néanmoins prudente pour le quatrième trimestre et au-delà :
La demande des voyageurs a été soutenue tout au long du trimestre et, à ce jour, la tendance s’est poursuivie début T3, montrant que les consommateurs privilégient toujours les déplacements. Même si aucun signe de faiblesse de la demande ne se manifeste dans nos résultats actuels et dans les réservations futures, nous sommes pleinement conscients du contexte macroéconomique changeant et avons pris le temps d’analyser comment ces évolutions pourraient impacter notre activité.
Côté offre, une récession pourrait représenter une opportunité d’acquérir des sociétés de gestion à de meilleurs ratios. De plus, un ralentissement économique peut réduire le turnover des biens : les propriétaires préféreront garder leurs locations actives pour générer des revenus, voire augmenter leur disponibilité annuelle pour compenser d’autres pertes de revenu.
Conclusion
Vacasa poursuit son discours d’entreprise en transition d’une stratégie purement axée sur M&A vers l’acquisition directe de 2/3 de ses nouveaux biens auprès de propriétaires. Elle n’a pas encore atteint cet objectif, même si le ralentissement des acquisitions de nouvelles sociétés fait évoluer le ratio des sources d’acquisition. L’entreprise tente de contenir ses coûts alors qu’elle cherche à atteindre la rentabilité. Cependant, les deuxième et troisième trimestres pourraient représenter des pics historiques de revenus pour le secteur. Avec un possible recul de l’ADR et du taux d’occupation en cas de récession, atteindre la rentabilité pourrait devenir plus difficile.
Thibault Masson est un expert reconnu en gestion des revenus et en stratégies de tarification dynamique dans le secteur de la location saisonnière. En tant que responsable du marketing produit chez PriceLabs et fondateur de Rental Scale-Up, Thibault aide les hôtes et les gestionnaires immobiliers grâce à des analyses concrètes et des solutions basées sur les données. Fort de plus de dix ans d’expérience dans la gestion de villas de luxe à Bali et à Saint-Barthélemy, il est un conférencier recherché et un créateur de contenu prolifique, capable de rendre simples des sujets complexes pour un public international.











