La croissance de l’offre provoque une chute des revenus aux États-Unis, en Europe et au Royaume-Uni : Faut-il paniquer ?

Un rapport récent de Key Data révèle une baisse alarmante de 17 % des revenus pour le marché américain de la location courte durée et une diminution de 8 % en Europe durant l’été 2023. Est-il temps de tirer la sonnette d’alarme dans l’industrie de la location courte durée ? Comme bien souvent avec l’interprétation des données, la réalité est plus nuancée.

Key Data Reports Drops in Revenue in US, Europe, and the UK Summer 2023
Rapport Été 2023 de Key Data

Si le rapport Key Data dresse un tableau plutôt sombre, un autre rapport de AirDNA fait preuve d’optimisme, mettant en avant une demande record aux États-Unis et un été exceptionnel en Europe au cours de la même période.

Mais voici la subtilité : ces ensembles de données apparemment contradictoires ne s’opposent pas ; en réalité, ils se complètent même de manière fascinante. Ce contraste de perspectives met en lumière l’importance d’une analyse approfondie et d’une comparaison rigoureuse lorsqu’il s’agit de naviguer dans le monde complexe de la prise de décision fondée sur les données. Pour les propriétaires, hôtes et gestionnaires de locations courte durée, comprendre ces nuances et réconcilier ces points de vue est crucial pour prendre des décisions éclairées pour votre entreprise.

  • Si, à première vue, les rapports de Key Data et AirDNA semblent s’opposer, un examen plus approfondi de la croissance de l’offre, des tendances du tarif journalier moyen (ADR) et des taux d’occupation permet de mieux comprendre et d’harmoniser la situation.
  • La hausse de l’offre a entraîné une baisse du RevPAR et des taux d’occupation. Mais, AirDNA note un ralentissement du rythme de croissance de l’offre : seulement 12,1 % en glissement annuel aux États-Unis.
  • Les ADR sont en baisse, mais souvenez-vous que les prix ont explosé depuis 2021. Ils ne peuvent pas grimper indéfiniment et vont bientôt se stabiliser.
  • Enfin, l’offre a dépassé la demande dans 30 des 50 plus grandes villes européennes en juillet, mais certaines exceptions montrent la forte influence des dynamiques de marché locales.

Comprendre les indicateurs : RevPAR vs. croissance de la demande sur un an

RevPAR (Revenu par location disponible), l’indicateur principal de Key Data, se concentre sur la performance financière des locations courte durée. Il calcule le revenu généré par unité de location, en tenant compte à la fois du taux d’occupation et du tarif journalier moyen (ADR). Une baisse du RevPAR indique une chute des revenus, ce que Key Data met en avant dans son rapport.

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D’un autre côté, la croissance de la demande d’une année sur l’autre (Year-over-Year Demand Growth), privilégiée par AirDNA, mesure l’évolution du nombre de nuits réservées par rapport à la même période de l’année précédente. Cet indicateur évalue la demande pour les locations courte durée. Ainsi, lorsque AirDNA évoque une demande record, il met l’accent sur le nombre de réservations effectuées, ce qui ne se traduit pas forcément par une hausse des revenus.

Il est également important de noter que le nombre de nuits réservées dépend fortement du nombre de nuits effectivement disponibles à la réservation, ce qui peut évoluer selon la variation de l’offre sur un marché donné.

Pris isolément, ces indicateurs peuvent effectivement sembler contradictoires. Le RevPAR de Key Data indique une baisse de revenus, tandis que la croissance annuelle de la demande selon AirDNA révèle un boom des réservations. Pourtant, l’analyse devient pertinente lorsqu’on considère d’autres facteurs tels que la croissance de l’offre, les tendances des ADR et les taux d’occupation, évoqués dans les deux rapports.

Une baisse de 17 % du RevPAR ou 2,3 % : quelle est la réalité ?

Les chiffres divergents issus des rapports de l’été 2023 de Key Data et AirDNA — une baisse de 17 % et de 2,3 % du RevPAR respectivement — peuvent prêter à confusion. L’un est-il plus exact que l’autre ? Et si oui, lequel ?

En réalité, la pertinence de ces rapports ne se juge pas sur leur exactitude : c’est la différence de méthodologie qui l’explique sans doute :

1. Période de référence : La période utilisée pour la comparaison influe fortement sur les différences. AirDNA prend comme point de référence l’année précédente, fournissant ainsi une comparaison annualisée claire. Il serait utile de déterminer si Key Data adopte la même période de comparaison (année sur année) ou compare avec les mois précédents, car cette méthodologie influence directement les résultats.

2. Inclusion des données d’août : Le rapport de Key Data inclut le mois d’août — période de pointe pour les voyages — ce qui peut fortement modifier les indicateurs de performance sur l’ensemble de l’été. En revanche, le rapport AirDNA s’arrête en juillet. Ce décalage de période peut mener à des interprétations différentes de la conjoncture du marché.

3. Segmentation du marché : Key Data se concentre sur les destinations traditionnelles de vacances, comme les régions côtières ou montagneuses, alors qu’AirDNA prend également en compte les marchés urbains. Il se peut donc que le rapport de Key Data soit biaisé en raison de la nature différente de son panel, comparé à AirDNA. Étant donné l’impact disparate de la pandémie de COVID-19 sur ces marchés, la segmentation influence fortement la représentation des données.

Chute des revenus malgré une forte demande : comment l’expliquer ?

La performance du marché américain de la location courte durée durant l’été 2023 résulte d’une combinaison complexe de facteurs. La baisse du RevPAR et des taux d’occupation ne traduit pas forcément un essoufflement de la demande, comme le démontre AirDNA avec sa croissance historique.

Plus d’annonces que jamais 

L’essor mondial de l’offre a joué un rôle majeur dans la baisse du RevPAR (revenu par location disponible) et des taux d’occupation. L’ajout massif de nouveaux logements a été un objectif prioritaire pour tous les acteurs du secteur, grands et petits. En fait, Airbnb a enregistré plus de nouvelles annonces nettes actives au deuxième trimestre 2023 qu’à n’importe quel autre trimestre, franchissant le cap remarquable des 7 millions d’annonces actives. Cependant, cette augmentation de l’offre dilue la demande sur un nombre supérieur de logements, impactant mécaniquement les taux d’occupation.

Un éventuel ralentissement de l’offre ?

US Short Term Rental Listings Supply Summer 2023

Le rapport AirDNA révèle un ralentissement du taux de croissance de l’offre : 12,1 % en glissement annuel en juillet 2023, soit nettement moins que l’an passé, où la croissance atteignait 24,4 % sur la même période. Cela pourrait indiquer un début de rééquilibrage entre l’offre et la demande du secteur.

Reste cependant à savoir si ce ralentissement suffira à compenser entièrement la hausse de la demande.

En outre, il n’est pas encore évident de déterminer si les évolutions réglementaires dans certains marchés comme La Nouvelle-Orléans et New York ont eu un impact sur ces chiffres d’offre. 

Baisse des ADR : moins inquiétante qu’il n’y paraît

Le dernier rapport de Key Data indique que l’ADR a chuté de 8,1 % sur un an, passant de 328 $ à 302 $. À première vue, cela pourrait inquiéter quant à la rentabilité des locations courte durée.

Cependant, une lecture plus fine de ces chiffres, recontextualisés dans un environnement inflationniste, donne à voir une réalité différente. Face à l’inflation, on aurait pu s’attendre à une baisse encore plus forte de l’ADR. 

Alors que les voyageurs subissent la hausse générale des prix liée à l’inflation, le recul de l’ADR, corrigé de l’inflation, apparaît finalement limité. Cela démontre que, malgré une baisse nominale, l’ADR a fait preuve d’une certaine résilience en termes réels.

Cette résilience de l’ADR, alliée à l’adaptation des voyageurs à l’inflation, montre que, si le secteur de la location courte durée n’est pas épargné par les tendances économiques globales, il parvient néanmoins à relever ces défis avec un certain succès.

Growth in US National Short-Term Rental ADRs since August 2020
Vue d’ensemble de la hausse des ADR aux États-Unis depuis avril 2020 via l’index STR de PriceLabs

Rappelons également depuis 2021, les prix des locations de vacances ont atteint des sommets, si bien qu’Airbnb a dû s’atteler à combattre l’image d’un service devenu onéreux. L’inflation a joué un rôle de catalyseur, certes, mais soyons lucides : c’est la demande qui a soutenu la hausse continue des prix. Cette augmentation ne pourra pas durer indéfiniment ; elle atteindra nécessairement un seuil de stabilisation. 

Europe et Royaume-Uni : une baisse discrète sur fond de reprise

À l’inverse des États-Unis, l’Europe et le Royaume-Uni ont connu un recul plus modéré de leurs indicateurs de performance. 

En Europe, une légère augmentation des ADR a permis de compenser partiellement une chute de 8,2 % du taux d’occupation, aboutissant à une baisse de 8 % du RevPAR selon le rapport Key Data.

Au Royaume-Uni, on observe une autre configuration : là, le RevPAR a diminué de 6 %, du fait d’une baisse de 2,4 % de l’occupation et de 3,6 % des ADR.

Si les chiffres sont moins brutaux, ils traduisent une cadence de reprise distincte par rapport à l’Amérique du Nord. 

Si le recul est moindre dans ces régions, il ne faut pas pour autant croire à une santé globale meilleure du marché. Cette différence relève plutôt du stade de reprise que connaissent ces marchés.

Pourquoi la chronologie de la reprise est capitale

Le marché américain était déjà porté par une forte dynamique début 2021, avec une demande en hausse de 24 % par rapport à 2019. Les petites villes et zones rurales menaient la croissance avec +62 %. 

En revanche, le grand rebond européen s’est surtout matérialisé en 2022. La reprise du continent a été progressive, chaque pays levant prudemment les restrictions liées au Covid-19. Ce rebond tardif reflète la diversité des rythmes de reprise de part et d’autre de l’Atlantique.

Quant au Royaume-Uni, la montée en puissance des petites unités urbaines, conséquence du retour de la demande citadine, pourrait expliquer la baisse des ADR observée.

Penser global, agir local reste la devise

Les pays d’Europe du Nord, tels que la Norvège (+29,3 %), la Suède (+26,3 %) ou la Pologne (+21,2 %), ont enregistré une forte croissance annuelle de la demande. 

Cependant, malgré une demande soutenue, certains pays scandinaves ont rencontré un décalage entre l’offre et la demande. 

Dans les 50 plus grandes villes européennes, la croissance annuelle de l’offre et de la demande a dépassé celle des zones rurales avec la réouverture des voyages internationaux.

Néanmoins, malgré ce retour en force des villes, dans 30 des 50 plus grandes villes européennes, le taux d’occupation annuel en juillet est en baisse, l’offre dépassant la demande, à l’exception de villes comme Vienne ou Copenhague où la réglementation empêche une expansion rapide de l’offre.

La France, quant à elle, affiche une hausse de l’occupation, dans la lignée de sa trajectoire récente, alors qu’elle accueille la Coupe du Monde de Rugby 2023 et les Jeux Olympiques de Paris 2024.

Conclusion :

Dans l’univers de la location courte durée, tout réside dans les détails, et ce qui compte le plus c’est la façon dont ces tendances se traduisent dans votre propre marché local.

Les hôtes et gestionnaires doivent rester vigilants et accorder une attention particulière aux données hyperlocales, sans négliger les spécificités de leur marché. Les réglementations locales, la saisonnalité et l’évolution des préférences des voyageurs peuvent impacter fortement votre stratégie. 

Dans notre secteur, il n’existe pas de solution universelle : il est donc essentiel d’adapter vos décisions aux réalités de votre marché. Une telle approche vous permettra de maximiser vos chances de réussite dans le monde dynamique de la location courte durée.